Chaque
fois qu’elle descendait à Châteauroux, Gisèle venait me rendre
visite. Et, chaque fois, elle s’efforçait de me convaincre.
– Tu
vas périr d’ennui dans ce trou perdu. Viens avec moi ! Monte
à Paris !
Et
elle me dépeignait, sous les couleurs les plus riantes, la vie
là-bas. Ce n’était que fêtes perpétuelles, repas
pantagruéliques. Quant aux jeunes gens… Ah, les jeunes gens !
Polis, courtois, raffinés, cultivés, ils n’avaient strictement rien à
voir avec le tout-venant de Châteauroux.
– C’est
le jour et la nuit. Allez, viens ! Qu’est-ce que tu risques ?
Elle t’embauchera, Mademoiselle Guibert. Elle me l’a promis.
– Et
j’habiterai où ?
– Avec
moi. Au-dessus de l’atelier. Ces crises de fou rire qu’on va se
prendre !
J’ai
fini par me laisser tenter. Et je n’ai pas eu à le regretter. La
couture n’avait pas de secrets pour moi et, à l’atelier, je me
suis tout de suite sentie dans mon élément. Avec les quatre autres
filles, je n’avais pas le moindre problème. Quant à Mademoiselle
Guibert, elle se félicitait haut et fort de la qualité de mon
travail.
– Et
tu avances vite. En plus !
La
chambre de Gisèle n’était pas très spacieuse, mais le lit, lui,
si ! Et on disposait, juste à côté, d’une sorte de grand
débarras dans lequel on pouvait entreposer nos affaires à notre
gré. Tant et si bien qu’on ne se sentait pas vraiment à l’étroit.
On
s’endormait tard. De plus en plus tard. On avait toujours une foule
de choses à se raconter. Et puis il y avait les deux messieurs bien
mis. Qui passaient presque tous les jours à l’atelier, sous un
prétexte ou sous un autre, pour nous voir et nous parler. Qui
voulaient absolument nous inviter à aller au spectacle avec eux. Ils
nous faisaient trop rire.
– Ils
ont au moins quarante ans, attends !
– Et
qu’est-ce qu’ils sont laids ! En plus !
On
était justement en train de se moquer d’eux, un soir, quand
Mademoiselle Guibert a brusquement fait irruption dans la chambre.
– Non,
mais vous savez l’heure qu’il est ? Ça va pas de faire un
raffût pareil ! Alors maintenant vous vous couchez ! Et
vous me laissez dormir.
Ce
qui n’a absolument pas impressionné Gisèle. Elle a continué à
rire et à parler fort comme si de rien n’était. Encore plus fort,
même.
– Chut !
Elle va revenir…
– Et
alors ? On s’en moque. On fait bien ce qu’on veut.
Ce
qui a eu pour effet quasi immédiat de la faire réapparaître.
– Alors
toi, ma petite, tu cherches… Eh bien, tu vas trouver !
Elle
l’a attrapée par un bras, tirée dans le couloir.
– Oh,
non, Mam’zelle, s’il vous plaît…
– T’étais
prévenue. T’étais pas prévenue ?
– Si,
mais…
– Eh
bien alors !
Elle
s’est assise sur le canapé d’angle, l’a courbée en travers de
ses genoux, lui a tout relevé.
– Oh,
Mam’zelle !
Et
lui a mis une fessée. Cul nu.
J’étais
stupéfaite. Et terrifiée. Est-ce qu’après ça allait être mon
tour ? J’étais d’autant plus effrayée que ça avait l’air
de faire très mal. Elle se contorsionnait dans tous les sens,
Gisèle. Elle possait des tas de petits cris. « Hou…
hou…hou… » Et ça les lui mettait rouges, les fesses, mais
rouges !
– Là !
Et maintenant tu vas te coucher et tu la fermes. Quant à toi, Alice,
tâche d’en prendre de la graine. Parce que si j’ai à me
plaindre de toi, pour quoi que ce soit, tu subiras le même sort.
C’est compris ?
C’étais
compris, oui.
On a
filé sans demander notre reste.
Dans
le lit, Gisèle m’a attrapé la main.
– Elle
sont brûlantes. Tiens, touche ! Mais si, touche !
Elle
l’étaient.
– Comment
elle a tapé fort ! Bien plus que les autres fois. Mais ça,
c’est parce que t’étais là.
Elle
s’est voluptueusement étirée.
– En
attendant, comment ça fait du bien !
– Du
bien !
– Enfin,
non ! Du mal, oui ! Mais du mal qui fait tellement du bien…
T’en as jamais eu, hein ?
– Jamais.
– Tu
peux pas comprendre alors ! Mais tu verras ! Tu verras.
Quand on en a eu reçu une, après, on peut plus jamais s’en
passer.
C'est si vrai...
RépondreSupprimerReste à savoir si la copine va, à son tour, se laisser tenter.
RépondreSupprimerMais oui, forcément...
RépondreSupprimerElle sera peut-être même encore plus motivée que sa petite camarade.
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