Tableau de St George Hare.
C’est le silence
qui me réveille. Un silence profond. Étrange. Qui contraste avec le
tumulte de la veille.
Je suis dans
l’obscurité la plus totale. Et attachée par les poignets, bras
levés. Comment diable ai-je pu réussir à dormir dans une position
aussi inconfortable ? Je me cale, les fesses contre le mur,
pour tenter de soulager un peu mes bras.
J’ai froid.
Et la tête me tourne.
Est-ce que je suis
seule ?
– Il y a
quelqu’un ?
Pas la moindre
réponse.
– Il y a
quelqu’un ?
Plus fort.
Il n’y a personne.
Je suis seule.
Le jour commence à
poindre. Je suis dans une salle immense. Un château, sûrement. Peu
à peu, tout me revient. Tout se remet en place. Le complot fomenté
par le duc, mon mari, contre le roi. Les longues soirées passées,
entre conjurés, afin de ne rien laisser au hasard. Et puis le
hurlement de Duchesne dans la nuit. « Nous sommes trahis. »
Le cliquetis des armes. Les cris des soldats. « Par ordre du
roi, vous êtes en état d’arrestation » La fuite. La course
éperdue. Des bras qui m’enserrent. Une main que je mords à
pleines dents. Un coup sur la tête. Je perds connaissance.
Des pas dans le
couloir derrière moi. Des voix. Des hommes. Des gardes. Ils sont
quatre. Qui jettent sur ma nudité, que je suis dans l’incapacité
de dissimuler attachée comme je le suis, des regards égrillards.
Leur chef s’avance,
rigolard.
– Madame la
duchesse a passé une bonne nuit?
Je lui jette un
regard furibond.
Il s’avance
encore, me soulève le menton, du bout du doigt.
– Mais c’est
qu’on voudrait faire la méchante ?
Je détourne la
tête.
Il m’agrippe par
les cheveux.
– Regarde-moi !
Je résiste.
Il tire plus fort.
– J’ai
dit : regarde-moi !
Plus fort encore.
– Tu vas
obéir, oui !
Je le regarde.
– Tu vois
quand tu veux!
Il me détache. Je
frotte l’un contre l’autre mes poignets endoloris.
– Par ici !
Il me prend par le
bras, fermement, m’entraîne. D’interminables couloirs. Des
escaliers.
Derrière moi un
garde fait remarquer.
– C’est la
première fois que je vois un cul de duchesse, moi !
Les autres
s’esclaffent.
– Ah, ça,
moi aussi !
– Il est pas
mal, n’empêche !
– Quand même
moins bien que celui de ma Fanchon.
Une grande salle.
Tout au fond, le roi. Vers lequel on me pousse.
– Mon mari !
Qu’avez-vous fait de mon mari ?
Il ne répond pas.
Il me contemple. Ses yeux courent sur moi. Sur mes seins. Sur mon
encoche. Reviennent à mon visage. Recommencent. Encore et encore.
– À genoux,
duchesse !
Le chef des gardes
me pèse sur les épaules.
Le roi l’arrête.
– Je veux
qu’elle le fasse d’elle-même.
J’obéis. Je
m’agenouille.
– Front
contre terre !
Front contre terre.
– Alors,
duchesse… On veut jouer aux conspiratrices ?
– Je demande
humblement à Votre Majesté…
Il me coupe
sèchement la parole.
– Qu’on la
fouette ! Trente coups. Et je veux qu’elle crie.
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