samedi 31 août 2019

Les fantasmes de Lucie (67)



Tableau de St George Hare.

C’est le silence qui me réveille. Un silence profond. Étrange. Qui contraste avec le tumulte de la veille.
Je suis dans l’obscurité la plus totale. Et attachée par les poignets, bras levés. Comment diable ai-je pu réussir à dormir dans une position aussi inconfortable  ? Je me cale, les fesses contre le mur, pour tenter de soulager un peu mes bras.
J’ai froid. Et la tête me tourne.
Est-ce que je suis seule ?
– Il y a quelqu’un ?
Pas la moindre réponse.
– Il y a quelqu’un ?
Plus fort.
Il n’y a personne. Je suis seule.

Le jour commence à poindre. Je suis dans une salle immense. Un château, sûrement. Peu à peu, tout me revient. Tout se remet en place. Le complot fomenté par le duc, mon mari, contre le roi. Les longues soirées passées, entre conjurés, afin de ne rien laisser au hasard. Et puis le hurlement de Duchesne dans la nuit. « Nous sommes trahis. » Le cliquetis des armes. Les cris des soldats. « Par ordre du roi, vous êtes en état d’arrestation » La fuite. La course éperdue. Des bras qui m’enserrent. Une main que je mords à pleines dents. Un coup sur la tête. Je perds connaissance.

Des pas dans le couloir derrière moi. Des voix. Des hommes. Des gardes. Ils sont quatre. Qui jettent sur ma nudité, que je suis dans l’incapacité de dissimuler attachée comme je le suis, des regards égrillards.
Leur chef s’avance, rigolard.
– Madame la duchesse a passé une bonne nuit?
Je lui jette un regard furibond.
Il s’avance encore, me soulève le menton, du bout du doigt.
– Mais c’est qu’on voudrait faire la méchante ?
Je détourne la tête.
Il m’agrippe par les cheveux.
– Regarde-moi !
Je résiste.
Il tire plus fort.
– J’ai dit : regarde-moi !
Plus fort encore.
– Tu vas obéir, oui !
Je le regarde.
– Tu vois quand tu veux!
Il me détache. Je frotte l’un contre l’autre mes poignets endoloris.
– Par ici !
Il me prend par le bras, fermement, m’entraîne. D’interminables couloirs. Des escaliers.
Derrière moi un garde fait remarquer.
– C’est la première fois que je vois un cul de duchesse, moi !
Les autres s’esclaffent.
– Ah, ça, moi aussi !
– Il est pas mal, n’empêche !
– Quand même moins bien que celui de ma Fanchon.
Une grande salle. Tout au fond, le roi. Vers lequel on me pousse.
– Mon mari ! Qu’avez-vous fait de mon mari ?
Il ne répond pas. Il me contemple. Ses yeux courent sur moi. Sur mes seins. Sur mon encoche. Reviennent à mon visage. Recommencent. Encore et encore.
– À genoux, duchesse !
Le chef des gardes me pèse sur les épaules.
Le roi l’arrête.
– Je veux qu’elle le fasse d’elle-même.
J’obéis. Je m’agenouille.
– Front contre terre !
Front contre terre.
– Alors, duchesse… On veut jouer aux conspiratrices ?
– Je demande humblement à Votre Majesté…
Il me coupe sèchement la parole.
– Qu’on la fouette ! Trente coups. Et je veux qu’elle crie.

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