samedi 3 août 2019

Les fantasmes de Lucie (63)



Dessin de G.Topfer

Ça nous a fait tout drôle, le lundi matin, de nous retrouver face à face au boulot, chacune devant son ordi.
– T’as encore les marques, toi ?
Tu parles si je les avais ! Après un week-end pareil. Fessée sur fessée ça avait été. Quarante-huit heures non stop. Et pas que fessée. Victor était dans une forme olympique dont il nous avait fait, l’une et l’autre, généreusement et équitablement profiter.
– Et toi ?
Elle aussi. Oui. Évidemment.
– Mais dis-moi, Lucie…
– Je sais ce que tu vas me demander. Je le sais. Mais je t’ai déjà dit ! Vingt fois. Non, ça m’ennuie pas, non. Je me le suis imaginé, à un moment, que j’étais amoureuse de lui. Mais non. Non. Je suis très au clair là-dessus. Alors on en profite. On s’éclate avec. Toutes les deux. Sans états d’âme. Point barre. On revient pas là-dessus.

À la pause, à la machine à café, elle a esquissé une grimace.
Romain s’est montré plein de sollicitude.
– Mal au dos ?
C’était ça, oui. Mal au dos.
Et on a étouffé, toutes les deux, une immense envie de rire.
Qu’on a laissée s’exprimer tout à loisir une fois remontées là-haut.
– T’imagines s’il savait !
– Lui ? Vaudrait mieux pas. On l’aurait sans arrêt à nous coller aux fesses.
– Et Gaëtan !
– Oh, alors là, lui, ce serait l’infarctus assuré.
Et Kevin ! Et Ugo ! Et Aurore ! Et Martial ! Et la Patricia. Et le vieux Philippe ! On les a toutes et tous passés en revue. On a imaginé leurs réactions, leurs réflexions. Tout ce qui se serait dit derrière notre dos. Forcément.
N’empêche qu’un fantasme qu’elle avait, Cordelia, c’était…
– Non, mais attends ! Imagine ! T’as le cul tout rouge. Ou bien alors tout zébré. C’est récent en tout cas. De trois ou quatre heures ça date. Pas plus. Là dessus tu vas en boîte. Quelque part où tu connais personne. Ou personne te connaît. Il y a un type qui t’entreprend. Il te plaît pas mal. Tu le laisses avancer ses pions. Tu lui fais comprendre que ça peut le faire. Ça le fait. Et alors c’est là, une fois dans sa piaule ou à l’hôtel, que le jeu commence. Sa tête quand il s’en aperçoit ! « Hein ! Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » S’ensuivent tout un tas de questions. Auxquelles tu peux répondre tout et n’importe quoi. Ce que tu veux. Tu peux inventer tout un tas d’histoires. Te couler dans n’importe quel rôle. Le faire te plaindre ou se moquer. J’y passe des heures des fois à imaginer ce que je leur raconte. Et comment ils réagissent.
– Et tu te pianotes, je suis sûre.
Elle a ri.
– Ah, ben ça !
J’ai saisi la balle au bond.
– Et si on le faisait en vrai ?
– Oh, tu crois ?
Avec une petite moue dubitative.
– Mais oui ! Toutes les deux. Le même soir. Chacune son type. Et on se raconterait après.

On en a parlé et reparlé. Toute la semaine. Et ça s’est imposé. Avec de plus en plus d’évidence. On s’est choisi une boîte de nuit et, le vendredi soir, en route pour Angers.
Le temps de se préparer.
– Je commence ou tu commences ?
Elle d’abord. Et je lui ai sorti une de ces fessées de derrière les fagots. J’y ai mis tout mon cœur. Elle a crié. Elle a gigoté. S’est agitée dans tous les sens. M’a suppliée d’arrêter. L’a aussitôt regretté.
– Mais non ! Continue, idiote !
Et j’ai repris e plus belle.
Elle est allée se voir dans la glace.
– Tu crois que ça va ?
Mais oui, ça allait. Fallait pas en faire trop non plus.
– Bon, ben à ton tour alors !
À mon tour. Une interminable fessée qui a progressivement gagné en puissance. Qui m’a obligée à enfouir ma tête dans l’oreiller pour ne pas ameuter tout l’hôtel. Qui a fini par m’arracher un délicieux orgasme dont il m’a fallu une bonne dizaine de minutes pour me remettre.
On s’est habillées. Regardées.
– Si on fait pas des ravages, à moi la peur !

(à suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire