Dessin de G.Topfer
Ça nous a fait tout
drôle, le lundi matin, de nous retrouver face à face au boulot,
chacune devant son ordi.
– T’as
encore les marques, toi ?
Tu parles si je les
avais ! Après un week-end pareil. Fessée sur fessée ça avait
été. Quarante-huit heures non stop. Et pas que fessée. Victor
était dans une forme olympique dont il nous avait fait, l’une et
l’autre, généreusement et équitablement profiter.
– Et toi ?
Elle aussi. Oui.
Évidemment.
– Mais
dis-moi, Lucie…
– Je sais ce
que tu vas me demander. Je le sais. Mais je t’ai déjà dit !
Vingt fois. Non, ça m’ennuie pas, non. Je me le suis imaginé, à
un moment, que j’étais amoureuse de lui. Mais non. Non. Je suis
très au clair là-dessus. Alors on en profite. On s’éclate avec.
Toutes les deux. Sans états d’âme. Point barre. On revient pas
là-dessus.
À la pause, à la
machine à café, elle a esquissé une grimace.
Romain s’est
montré plein de sollicitude.
– Mal au
dos ?
C’était ça, oui.
Mal au dos.
Et on a étouffé,
toutes les deux, une immense envie de rire.
Qu’on a laissée
s’exprimer tout à loisir une fois remontées là-haut.
– T’imagines
s’il savait !
– Lui ?
Vaudrait mieux pas. On l’aurait sans arrêt à nous coller aux
fesses.
– Et Gaëtan !
– Oh, alors
là, lui, ce serait l’infarctus assuré.
Et Kevin ! Et
Ugo ! Et Aurore ! Et Martial ! Et la Patricia. Et le
vieux Philippe ! On les a toutes et tous passés en revue. On a
imaginé leurs réactions, leurs réflexions. Tout ce qui se serait
dit derrière notre dos. Forcément.
N’empêche qu’un
fantasme qu’elle avait, Cordelia, c’était…
– Non, mais
attends ! Imagine ! T’as le cul tout rouge. Ou bien alors
tout zébré. C’est récent en tout cas. De trois ou quatre heures
ça date. Pas plus. Là dessus tu vas en boîte. Quelque part où tu
connais personne. Ou personne te connaît. Il y a un type qui
t’entreprend. Il te plaît pas mal. Tu le laisses avancer ses
pions. Tu lui fais comprendre que ça peut le faire. Ça le fait. Et
alors c’est là, une fois dans sa piaule ou à l’hôtel, que le
jeu commence. Sa tête quand il s’en aperçoit ! « Hein !
Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » S’ensuivent
tout un tas de questions. Auxquelles tu peux répondre tout et
n’importe quoi. Ce que tu veux. Tu peux inventer tout un tas
d’histoires. Te couler dans n’importe quel rôle. Le faire te
plaindre ou se moquer. J’y passe des heures des fois à imaginer ce
que je leur raconte. Et comment ils réagissent.
– Et tu te
pianotes, je suis sûre.
Elle a ri.
– Ah, ben
ça !
J’ai saisi la
balle au bond.
– Et si on le
faisait en vrai ?
– Oh, tu
crois ?
Avec une petite moue
dubitative.
– Mais oui !
Toutes les deux. Le même soir. Chacune son type. Et on se
raconterait après.
On en a parlé et
reparlé. Toute la semaine. Et ça s’est imposé. Avec de plus en
plus d’évidence. On s’est choisi une boîte de nuit et, le
vendredi soir, en route pour Angers.
Le temps de se
préparer.
– Je commence
ou tu commences ?
Elle d’abord. Et
je lui ai sorti une de ces fessées de derrière les fagots. J’y ai
mis tout mon cœur. Elle a crié. Elle a gigoté. S’est agitée
dans tous les sens. M’a suppliée d’arrêter. L’a aussitôt
regretté.
– Mais non !
Continue, idiote !
Et j’ai repris e
plus belle.
Elle est allée se
voir dans la glace.
– Tu crois
que ça va ?
Mais oui, ça
allait. Fallait pas en faire trop non plus.
– Bon, ben à
ton tour alors !
À mon tour. Une
interminable fessée qui a progressivement gagné en puissance. Qui
m’a obligée à enfouir ma tête dans l’oreiller pour ne pas
ameuter tout l’hôtel. Qui a fini par m’arracher un délicieux
orgasme dont il m’a fallu une bonne dizaine de minutes pour me
remettre.
On s’est
habillées. Regardées.
– Si on fait
pas des ravages, à moi la peur !
(à suivre)
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