samedi 17 août 2019

Les fantasmes de Lucie (65)



Cordelia a voulu que je raconte la première.
– Toi, d’abord !
Elle m’a attentivement écoutée. Sans m’interrompre. Jusqu’à la fin.
– C’est tout ? Oui, non, mais attends ! Ça vaut pas. C’est pas ce qu’on avait dit qu’on ferait.
– Ben oui, mais…
– Mais rien du tout. T’as plus qu’à recommencer.
Bon, mais à elle alors !
– Oh, moi, je me suis bien amusée. C’est trop quand tu pousses le bouchon de plus en plus loin, que ça devient de plus en plus invraisemblable et que l’autre, en face, il te gobe tout ça.
– Qu’est-ce tu lui as raconté ?
– Oh, ben d’abord, j’ai fait celle qui voulait pas qu’il les voie, mes fesses. Alors évidemment, il a tout fait pour. C’était obligé. Et il y est arrivé. Je l’ai laissé y arriver, l’air tout mal à l’aise. Il a eu un petit sifflement « Oh, la vache ! Cette tannée ! Qui c’est qui t’a fait ça ? » Je pouvais pas le dire.
C’était bien trop dur. J’avais bien trop honte. Comment il a insisté ! Et comment je me suis fait prier. Pour finir par céder. En faisant semblant que ce soit à contre-cœur. Bon, mais alors il le répéterait pas ? À personne.« Promis. Juré. » Et je me suis lancé. Du bout des lèvres. C’était arrivé dimanche. En revenant de week-end. Pour redescendre de là-haut, la route est très étroite. Impossible de se croiser à deux. Et, comme par un fait exprès, il y avait une voiture qui montait. On s’était trouvés nez à nez. Il lui suffisait de reculer de vingt mètres pour trouver un petit décrochement, l’autre. Moi, c’en était quatre-vingts qu’il aurait fallu que je fasse. Alors c’était plutôt à lui de le faire, non, il croyait pas ? « Ça me paraît évident » Sauf qu’il se bougeait pas. J’étais descendue. Ils étaient descendus. Quatre gamins. D’une vingtaine d’années. Trois garçons et une fille. Qui m’avaient prise de haut. Je m’étais pas laissé faire. Le ton avait monté. Je m’étais énervée. Et j’avais fini par les traiter de petits morveux auxquels il aurait fallu flanquer une bonne fessée pour leur remettre les idées en place, tiens ! Ça les avait rendus hystériques. Il y en avait un qui avait hurlé que c’était à moi qu’il aurait fallu en coller une plutôt, oui ! Et la fille de se déchaîner. De clamer qu’il fallait me la mettre pour de bon. Holà ! Ça commençait à sentir le roussi. J’avais voulu remonter dans ma voiture. Ils m’en avaient empêchée. Ils avaient bloqué la portière. Il y en avait deux qui m’avaient empoignée, couchée en travers du capot. Un troisième m’avait attrapé les poignets, de l’autre côté, et solidement maintenue. Malgré mes cris et mes protestations, ils m’avaient baissé mon jogging, ils m’avaient retiré ma culotte et ils avaient tapé. Comme des sourds. Avec la fille qu’arrêtait pas de leur dire d’y aller plus fort, qu’ils faisaient semblant. De pas faire attention à mes beuglements. Que j’étais une mijaurée. Quand ça s’était arrêté, j’avais pas demandé mon reste. J’étais remontée dans ma voiture, les fesses en feu, et c’était moi qui avais reculé. Quand ils étaient passés à ma hauteur, ils étaient hilares.
J’ai hoché la tête.
– Je me demande où tu vas chercher tout ça…
– Oui, oh, ben t’es pas mal non plus dans ton genre, toi, quand tu t’y mets. Quand t’acceptes de t’y mettre.
Elle a ri.
– N’empêche que tu sais quoi ? Plus je racontais et plus j’y croyais. Plus j’avais l’impression que ça m’était vraiment arrivé.
– Ça le fait, ça. Et lui ?
– Oh, lui ! Il a d’abord pris un air horrifié. Quels petits salopards ! J’avais porté plainte au moins ? Il fallait porter plainte. Pour que les gendarmes écument le pays à la recherche de témoignages, pour que tout le monde soit au courant de ce qui m’était arrivé et pour qu’au final ils les retrouvent pas ? Non, merci bien. Il a trouvé que oui. Peut-être que j’avais pas forcément tort finalement. Et il m’a demandé plein de détails. Que j’inventais au fur à mesure. Il en avait jamais assez. Plus d’une heure ça a duré. Et en même temps il me caressait les fesses. Il me les embrassait. Il me les suçotait. Et il s’extasiait. « Comment elles sont chaudes »
– Bref, ça l’excitait.
– Oh, que oui ! Mais c’était bien un peu le but aussi.
– Et ça s’est fini en apothéose.
– Une nuit d’enfer. Quatre fois on a remis le couvert.

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