Tableau de Gerda Wegener
Le lendemain matin,
quand je les ai rejointes dans leur chambre, elles étaient à la
fenêtre. Elles le regardaient passer.
– Et dire
qu’il t’en a donné une, de fessée !
Qu’il a fallu que
je leur raconte encore.
– Mais je
l’ai déjà fait dix mille fois !
– T’as
peut-être oublié des détails.
Elles ont bu mes
paroles, réclamé une précision ici, un éclaircissement là, ont
commenté.
Et Éléonore a
soupiré.
– Comment ça
donne envie, n’empêche ! Tu trouves pas, toi, Alice ?
Alice aussi elle
trouvait, oui ! Même si…
– Même si
quoi ?
– Une fessée
par lui, c’est vrai que j’aimerais bien, mais pas qu’il me
mette toute nue. J’aurais bien trop honte.
Elle était de son
avis, Éléonore.
– Forcément
qu’on a honte.
Et, en même temps,
pas du tout de son avis.
– C’est
tellement bon, souvent, la honte.
L’après-midi,
elles ont voulu qu’on aille s’installer sous la tonnelle.
– C’est sur
son chemin. Il nous verra comme ça.
– Et
peut-être que…
Il est passé. Il
s’est contenté de passer. En nous saluant de loin.
Éléonore a
constaté.
– Il s’occupe
pas de nous.
Elle l’a regardé
s’éloigner.
– Qu’est-ce
qu’il est bien bâti, n’empêche ! Comment on doit se sentir
toute petite quand il punit.
J’ai confirmé.
– Délicieusement
toute petite, oui.
Il est passé et
repassé. À plusieurs reprises.
– Il s’occupe
toujours pas de nous.
– Et il s’en
occupera pas.
– Il y avait
qu’Anne qui l’intéressait en fait.
– Le v’là !
Il venait vers nous.
– Oui, le
v’là !
Il s’est approché.
Lentement. Très lentement.
Et s’est arrêté.
Tout près.
– Alors ?
Laquelle de ces demoiselles aujourd’hui ?
Elles sont restées
muettes, les yeux baissés.
– Hein ?
Laquelle ? Allez, Mademoiselle Alice…
Il l’a prise par
la main, fait lever et elle l’a docilement suivi. On les a regardés
s’éloigner. Disparaître.
– Bon, ben
voilà ! Il y a plus qu’à attendre. Qu’elle revienne. Et
qu’elle nous raconte.
Il y avait quand
même quelque chose qui l’inquiétait un peu, Éléonore. Pas mal,
même.
– Quoi donc ?
– Je vais
sûrement y passer, moi aussi. Demain ou après-demain, ce sera mon
tour.
Il y avait
effectivement toutes les chances, oui. Et alors ?
– Alors, à
ce que tu nous as raconté, quand t’étais à plat ventre sur ses
genoux, tu la sentais toute dure contre toi.
– Et même
qu’elle palpitait.
– Et t’as
pas couché, tu dis ?
– J’ai pas
couché, non.
– Je pourrais
pas, moi. Résister. Je pourrais jamais. Je me connais. Si ça
m’arrive à moi aussi, je vais me coller dessus. Je vais me presser
contre. Je vais avoir envie. Je vais vouloir. Je vais devenir folle.
Seulement…
– Seulement
il y a Louis. Et tu veux pas le tromper.
– Voilà,
oui !
Elle s’est levée
d’un bond.
– Oh, et puis
zut ! On verra bien. On n’y est pas encore.
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