lundi 5 août 2019

Entre cousines (4)



Tableau de Gerda Wegener

Le lendemain matin, quand je les ai rejointes dans leur chambre, elles étaient à la fenêtre. Elles le regardaient passer.
– Et dire qu’il t’en a donné une, de fessée !
Qu’il a fallu que je leur raconte encore.
– Mais je l’ai déjà fait dix mille fois !
– T’as peut-être oublié des détails.
Elles ont bu mes paroles, réclamé une précision ici, un éclaircissement là, ont commenté.
Et Éléonore a soupiré.
– Comment ça donne envie, n’empêche ! Tu trouves pas, toi, Alice ?
Alice aussi elle trouvait, oui ! Même si…
– Même si quoi ?
– Une fessée par lui, c’est vrai que j’aimerais bien, mais pas qu’il me mette toute nue. J’aurais bien trop honte.
Elle était de son avis, Éléonore.
– Forcément qu’on a honte.
Et, en même temps, pas du tout de son avis.
– C’est tellement bon, souvent, la honte.

L’après-midi, elles ont voulu qu’on aille s’installer sous la tonnelle.
– C’est sur son chemin. Il nous verra comme ça.
– Et peut-être que…
Il est passé. Il s’est contenté de passer. En nous saluant de loin.
Éléonore a constaté.
– Il s’occupe pas de nous.
Elle l’a regardé s’éloigner.
– Qu’est-ce qu’il est bien bâti, n’empêche ! Comment on doit se sentir toute petite quand il punit.
J’ai confirmé.
– Délicieusement toute petite, oui.

Il est passé et repassé. À plusieurs reprises.
– Il s’occupe toujours pas de nous.
– Et il s’en occupera pas.
– Il y avait qu’Anne qui l’intéressait en fait.

– Le v’là !
Il venait vers nous.
– Oui, le v’là !
Il s’est approché. Lentement. Très lentement.
Et s’est arrêté. Tout près.
– Alors ? Laquelle de ces demoiselles aujourd’hui ?
Elles sont restées muettes, les yeux baissés.
– Hein ? Laquelle ? Allez, Mademoiselle Alice…

Il l’a prise par la main, fait lever et elle l’a docilement suivi. On les a regardés s’éloigner. Disparaître.
– Bon, ben voilà ! Il y a plus qu’à attendre. Qu’elle revienne. Et qu’elle nous raconte.

Il y avait quand même quelque chose qui l’inquiétait un peu, Éléonore. Pas mal, même.
– Quoi donc ?
– Je vais sûrement y passer, moi aussi. Demain ou après-demain, ce sera mon tour.
Il y avait effectivement toutes les chances, oui. Et alors ?
– Alors, à ce que tu nous as raconté, quand t’étais à plat ventre sur ses genoux, tu la sentais toute dure contre toi.
– Et même qu’elle palpitait.
– Et t’as pas couché, tu dis ?
– J’ai pas couché, non.
– Je pourrais pas, moi. Résister. Je pourrais jamais. Je me connais. Si ça m’arrive à moi aussi, je vais me coller dessus. Je vais me presser contre. Je vais avoir envie. Je vais vouloir. Je vais devenir folle. Seulement…
– Seulement il y a Louis. Et tu veux pas le tromper.
– Voilà, oui !
Elle s’est levée d’un bond.
– Oh, et puis zut ! On verra bien. On n’y est pas encore.

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