samedi 10 août 2019

Les fantasmes de Lucie (64)



Tableau de Vincent Van Gogh

Enfin un qu’était à peu près potable. Pas mal, même. Fallait pas être trop exigeante non plus. Nettement mieux en tout cas que le grand brun et le petit frisé qui, avant lui, avaient successivement voulu tenter leur chance avec moi. Et auxquels j’avais fait comprendre, avec le plus de diplomatie possible, qu’il était hors de question qu’il puisse se passer quoi que ce soit entre nous.
– C’est quoi, ton prénom ?
– Lucie. Et toi ?
– Jérôme.
On s’est souri. On a dansé. J’ai cherché Cordelia du regard. Elle avait disparu. Sans doute les choses avaient-elles pris bonne tournure avec le grand costaud qui l’avaient invitée. On a encore dansé. Ses lèvres m’ont effleuré les cheveux. J’ai frissonné. Sa main est descendue, venue se loger, d’autorité, au creux de mes reins. Décidément pas mal. Pas mal du tout. Un regard vert envoûtant. Un torse qui donnait envie de venir se réfugier contre lui. J’y ai appuyé ma joue. Sa main a pris possession de mes fesses. Tout en haut. Il s’est fait tout dur contre mon ventre. J’ai laissé mon bassin aller à sa rencontre. Il s’est penché vers moi, penché encore. Mes lèvres ne se sont pas dérobées.

Un partenaire de rencontre, c’est toujours une loterie. Tu peux t’éclater comme tu peux courir au fiasco le plus total. Je me suis éclatée. Il s’y prenait bien. À la fois patient et impatient. Maîtrisé et passionné. En sorte que j’ai joui deux fois, pleinement, sans retenue, avant qu’il n’ait à son tour son plaisir. On est restés quelques instants encastrés et puis je me suis réfugiée contre lui, ma tête sur son épaule. J’étais bien. Si bien.
Mes fesses, pendant, il les avait caressées, remodelées. Il s’était rendu compte, sûrement. Impossible qu’il ne se soit pas rendu compte. Mais il n’avait rien dit.
Sa main est revenue s’y poser.
– Elles sont toutes chaudes. Qu’est-ce qu’il leur est arrivé ?
Je n’ai pas répondu. Je lui ai piqueté l’épaule de petits baisers.
– Tu fais voir ?
Et il m’a doucement tournée sur le ventre. Je me suis abandonnée.
Il s’est penché dessus. J’y ai senti son souffle.
– Eh ben, dis donc ! Tu t’en es pris une belle, là !
Il y a posé les lèvres, les y a fait courir tout du long. Il est monté, descendu, s’est un peu égaré dans le sillon entre elles. J’ai frissonné.
Il est revenu à moi.
– Qui c’est qui t’a fait ça ?
Je me suis retournée.
– Mais… personne.
– Ben, voyons ! Je vais te croire.
Inventer une histoire à dormir debout, on avait dit avec Cordelia. Aussi invraisemblable que possible. Et la leur faire gober. Oui, mais je n’y avais pas pensé à l’avance. Je m’étais dit que j’improviserais, le moment venu. Et là, il ne me venait pas d’idée. Pas la moindre idée. J’ai tenté, sans grande conviction.
– Mon patron.
– Ton patron ! Eh bien, raconte, quoi !
C’était mon patron, oui. Quand il n’était pas content de mon travail, il me faisait rester, le soir, après tout le monde, il me baissait ma culotte et il me corrigeait. Non, mais ma pauvre fille ! Tu te rends compte de ce que tu es en train de lui raconter, là ? C’est d’une banalité ! Et cousu de fil blanc en plus.
Il me regardait, attentif, bienveillant. Il attendait. Je me suis noyée dans ses yeux. Et non. Non. Je n’avais pas envie de lui mentir. Pas à lui. Alors j’ai tout déballé. Cordelia. Le challenge.
– T’as voulu me rouler dans la farine, quoi, en somme !
C’était pas vraiment ça, mais un peu ça quand même.
– C’est complètement ça, oui, tu veux dire ! Mais tu sais que c’est pas bien du tout ?
J’ai pris un petit air contrit.
– Et que tu mériterais d’être punie pour ça.
Un frémissement d’heureuse appréhension m’a parcourue toute.
– Tu vas l’être d’ailleurs…
Ça s’est épanoui à l’intérieur de moi. S’il voulait, oui. Comme il voulait.
– Par-dessus l’autre, ça va faire mal. Très mal.
Je savais, oui. Je savais. Et c’était tant mieux.
Et je lui ai tendu mes fesses.

(à suivre)

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