Tableau de Vincent Van Gogh
Enfin un qu’était
à peu près potable. Pas mal, même. Fallait pas être trop
exigeante non plus. Nettement mieux en tout cas que le grand brun et
le petit frisé qui, avant lui, avaient successivement voulu tenter
leur chance avec moi. Et auxquels j’avais fait comprendre, avec le
plus de diplomatie possible, qu’il était hors de question qu’il
puisse se passer quoi que ce soit entre nous.
– C’est
quoi, ton prénom ?
– Lucie. Et
toi ?
– Jérôme.
On s’est souri. On
a dansé. J’ai cherché Cordelia du regard. Elle avait disparu.
Sans doute les choses avaient-elles pris bonne tournure avec le grand
costaud qui l’avaient invitée. On a encore dansé. Ses lèvres
m’ont effleuré les cheveux. J’ai frissonné. Sa main est
descendue, venue se loger, d’autorité, au creux de mes reins.
Décidément pas mal. Pas mal du tout. Un regard vert envoûtant. Un
torse qui donnait envie de venir se réfugier contre lui. J’y ai
appuyé ma joue. Sa main a pris possession de mes fesses. Tout en
haut. Il s’est fait tout dur contre mon ventre. J’ai laissé mon
bassin aller à sa rencontre. Il s’est penché vers moi, penché
encore. Mes lèvres ne se sont pas dérobées.
Un partenaire de
rencontre, c’est toujours une loterie. Tu peux t’éclater comme
tu peux courir au fiasco le plus total. Je me suis éclatée. Il s’y
prenait bien. À la fois patient et impatient. Maîtrisé et
passionné. En sorte que j’ai joui deux fois, pleinement, sans
retenue, avant qu’il n’ait à son tour son plaisir. On est restés
quelques instants encastrés et puis je me suis réfugiée contre
lui, ma tête sur son épaule. J’étais bien. Si bien.
Mes fesses, pendant,
il les avait caressées, remodelées. Il s’était rendu compte,
sûrement. Impossible qu’il ne se soit pas rendu compte. Mais il
n’avait rien dit.
Sa main est revenue
s’y poser.
– Elles sont
toutes chaudes. Qu’est-ce qu’il leur est arrivé ?
Je n’ai pas
répondu. Je lui ai piqueté l’épaule de petits baisers.
– Tu fais
voir ?
Et il m’a
doucement tournée sur le ventre. Je me suis abandonnée.
Il s’est penché
dessus. J’y ai senti son souffle.
– Eh ben, dis
donc ! Tu t’en es pris une belle, là !
Il y a posé les
lèvres, les y a fait courir tout du long. Il est monté, descendu,
s’est un peu égaré dans le sillon entre elles. J’ai frissonné.
Il est revenu à
moi.
– Qui c’est
qui t’a fait ça ?
Je me suis
retournée.
– Mais…
personne.
– Ben,
voyons ! Je vais te croire.
Inventer une
histoire à dormir debout, on avait dit avec Cordelia. Aussi
invraisemblable que possible. Et la leur faire gober. Oui, mais je
n’y avais pas pensé à l’avance. Je m’étais dit que
j’improviserais, le moment venu. Et là, il ne me venait pas
d’idée. Pas la moindre idée. J’ai tenté, sans grande
conviction.
– Mon patron.
– Ton
patron ! Eh bien, raconte, quoi !
C’était mon
patron, oui. Quand il n’était pas content de mon travail, il me
faisait rester, le soir, après tout le monde, il me baissait ma
culotte et il me corrigeait. Non, mais ma pauvre fille ! Tu te
rends compte de ce que tu es en train de lui raconter, là ?
C’est d’une banalité ! Et cousu de fil blanc en plus.
Il me regardait,
attentif, bienveillant. Il attendait. Je me suis noyée dans ses
yeux. Et non. Non. Je n’avais pas envie de lui mentir. Pas à lui.
Alors j’ai tout déballé. Cordelia. Le challenge.
– T’as
voulu me rouler dans la farine, quoi, en somme !
C’était pas
vraiment ça, mais un peu ça quand même.
– C’est
complètement ça, oui, tu veux dire ! Mais tu sais que c’est
pas bien du tout ?
J’ai pris un petit
air contrit.
– Et que tu
mériterais d’être punie pour ça.
Un frémissement
d’heureuse appréhension m’a parcourue toute.
– Tu vas
l’être d’ailleurs…
Ça s’est épanoui
à l’intérieur de moi. S’il voulait, oui. Comme il voulait.
– Par-dessus
l’autre, ça va faire mal. Très mal.
Je savais, oui. Je
savais. Et c’était tant mieux.
Et je lui ai tendu
mes fesses.
(à suivre)
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