samedi 13 juillet 2019

Les fantasmes de Lucie (60)



Dessin de Dagy


Cordelia m’a écoutée jusqu’au bout. Avec beaucoup d’attention. Sans m’interrompre.
– Alors ? Qu’est-ce t’en penses ?
Elle a haussé les épaules.
– Qu’est-ce tu veux que j’en pense ?
– Deux fois il a dit « on » en parlant de nous. Deux fois. Ça veut dire quoi à ton avis ?
– Que t’es en train de te faire un film, là…
– Mais non, mais…
– Bien sûr que si ! Et en mode love story, s’il vous plaît.
– Je sais pas.
– Eh bien moi, si ! Ça t’a pas suffi, les autres fois ?
– C’était pas pareil.
– Tu parles ! Tu tenais exactement le même discours. Exactement. De toute façon, toi, dès qu’un type entre un tant soit peu dans tes fantasmes, qu’il t’en fait vivre trois ou quatre, ça y est, c’est l’homme de ta vie…
– Quand même pas…
– C’était pas ça avec Julien peut-être ? Et avec Kevin ? Et avec Louis ? Chaque fois t’étais tout feu tout flamme. Il te comprenait là où c’était important pour toi. Et tralali et tralala… Faut vraiment que je te rappelle comment ça s’est terminé ? Comment ça se termine toujours ?
C’était pas la peine, non. Ça allait comme ça.
Elle l’a fait quand même.
– Crises de larmes. Désespoir. Trente-sixième dessous. Et qui c’est, au final, qu’est obligée de te ramasser à la petite cuillère ? C’est bibi. Chaque fois tu jures tes grands dieux que c’est la dernière fois et chaque fois tu remets ça. Tu peux pas t’empêcher. Mais laisse venir, bon sang ! Il y a des types avec qui ça se passe bien, tant mieux ! Profite ! Sans te bercer d’illusions. Le jour où on commence à attendre quelque chose d’un mec, c’est mort. Il le sent. Et il s’éloigne. N’attends rien ! N’espère rien ! Et si ça tombe, un jour, ça se fera tout seul. Tu te retrouveras en couple sans même t’en être rendu compte.
– Tu crois ?
– S’il y a une chance que ça arrive, en tout cas, c’est comme ça…

Elle s’est levée. A disparu à côté. En est revenue en brandissant un martinet.
– Qu’est-ce tu fais ?
– Tu te rappelles pas ?
– Non. Quoi ?
– Quand Loïc t’a larguée, tu m’as fait jurer de te flanquer une fessée comme jamais, si ça te reprenait de tomber amoureuse. Ce que t’es en train de faire. Et je tiens toujours mes promesses. Alors en piste ! Tu te mets sur le lit, le cul à l’air.
J’ai agrippé l’oreiller des deux mains, enfoui la tête dedans, serré les dents.
Comme jamais j’avais demandé.
Comme jamais elle a tapé.
J’ai crié. J’ai hurlé. J’ai bondi du derrière. Ça a duré… Duré…
Ça s’est enfin arrêté. Je me suis relevée.
– Tu sais quoi, Cordelia ? J’ai joui comme jamais.

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