Dessin de Dagy
Cordelia
m’a écoutée jusqu’au bout. Avec beaucoup d’attention. Sans
m’interrompre.
– Alors ?
Qu’est-ce t’en penses ?
Elle
a haussé les épaules.
– Qu’est-ce
tu veux que j’en pense ?
– Deux
fois il a dit « on » en parlant de nous. Deux fois. Ça
veut dire quoi à ton avis ?
– Que
t’es en train de te faire un film, là…
– Mais
non, mais…
– Bien
sûr que si ! Et en mode love story, s’il vous plaît.
– Je
sais pas.
– Eh
bien moi, si ! Ça t’a pas suffi, les autres fois ?
– C’était
pas pareil.
– Tu
parles ! Tu tenais exactement le même discours. Exactement. De
toute façon, toi, dès qu’un type entre un tant soit peu dans tes
fantasmes, qu’il t’en fait vivre trois ou quatre, ça y est,
c’est l’homme de ta vie…
– Quand
même pas…
– C’était
pas ça avec Julien peut-être ? Et avec Kevin ? Et avec
Louis ? Chaque fois t’étais tout feu tout flamme. Il te
comprenait là où c’était important pour toi. Et tralali et
tralala… Faut vraiment que je te rappelle comment ça s’est
terminé ? Comment ça se termine toujours ?
C’était
pas la peine, non. Ça allait comme ça.
Elle
l’a fait quand même.
– Crises
de larmes. Désespoir. Trente-sixième dessous. Et qui c’est, au
final, qu’est obligée de te ramasser à la petite cuillère ?
C’est bibi. Chaque fois tu jures tes grands dieux que c’est la
dernière fois et chaque fois tu remets ça. Tu peux pas t’empêcher.
Mais laisse venir, bon sang ! Il y a des types avec qui ça se
passe bien, tant mieux ! Profite ! Sans te bercer
d’illusions. Le jour où on commence à attendre quelque chose d’un
mec, c’est mort. Il le sent. Et il s’éloigne. N’attends rien !
N’espère rien ! Et si ça tombe, un jour, ça se fera tout
seul. Tu te retrouveras en couple sans même t’en être rendu
compte.
– Tu
crois ?
– S’il
y a une chance que ça arrive, en tout cas, c’est comme ça…
Elle
s’est levée. A disparu à côté. En est revenue en brandissant un
martinet.
– Qu’est-ce
tu fais ?
– Tu
te rappelles pas ?
– Non.
Quoi ?
– Quand
Loïc t’a larguée, tu m’as fait jurer de te flanquer une fessée
comme jamais, si ça te reprenait de tomber amoureuse. Ce que t’es
en train de faire. Et je tiens toujours mes promesses. Alors en
piste ! Tu te mets sur le lit, le cul à l’air.
J’ai
agrippé l’oreiller des deux mains, enfoui la tête dedans, serré
les dents.
Comme
jamais j’avais demandé.
Comme
jamais elle a tapé.
J’ai
crié. J’ai hurlé. J’ai bondi du derrière. Ça a duré… Duré…
Ça
s’est enfin arrêté. Je me suis relevée.
– Tu
sais quoi, Cordelia ? J’ai joui comme jamais.
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