Bérengère était aux anges.
– Ça
marche, les filles ! Ça marche ! Ça en fait trois, coup
sur coup, qui me draguent comme c’est pas possible. Et je donne pas
suite. Et je résiste. Ils sont beaux pourtant ! Beaux comme
c’est pas permis.
Elle
avait besoin de nous voir. Souvent. Presque tous les jours.
– Ça
me motive un max… Non, et puis rien qu’avoir Océane, là, à
côté et repenser à la fessée qu’elle s’est prise l’autre
jour, comment ça me calme, vous pouvez pas savoir.
Ça
a duré trois semaines. Et puis, un soir, elle est arrivée
catastrophée.
– Je
suis nulle, mais nulle d’une force !
– Oh,
toi, t’as replongé !
– Si !
Oui. Mais c’est pas ma faute. Enfin, pas vraiment. Pas
complètement. Comment il était enjôleur ! Et puis alors, il a
de ces yeux ! Tu peux pas ne pas craquer avec des yeux pareils.
Vous aussi, les filles, vous lui seriez tombées dans les bras. C’est
obligé ! Oh, mais rassurez-vous ! Pas question que je le
revoie ! Parce qu’il a été très clair, Clément, la fois où
on s’est pris la tête tous les deux. Très très clair. « Que
tu tires un coup, comme ça, un soir, vite fait, parce que t’auras
pas pu t’empêcher, à l’extrême rigueur je pourrais encore
passer l’éponge. T’en serais quitte pour une bonne fessée
devant tes copines. Mais si ça devait être une relation qui dure,
alors là, non ! Non, non et non. Tout serait définitivement
fini entre nous. » Et je veux pas le perdre, Clément, ah, non,
alors ! Je pourrais pas vivre, moi, sans lui ! C’est même
pas imaginable.
Elle
a surgi en trombe deux jours plus tard, s’est affalée sur une
chaise.
– Eh
ben voilà ! Voilà. Ça y est ! Moi, de toute façon, dès
qu’il y a une connerie à faire, vous pouvez être tranquilles que
je la fais…
– C’est
ce type, hein ?
– Évidemment
que c’est lui ! Évidemment ! Il baise trop bien, aussi !
Ça devrait être interdit de baiser comme ça. Parce que j’oublie
tout dans ses bras. Tout ce qui n’est pas lui. Et le plaisir qu’il
me donne. Il y a plus rien d’autre qui compte. Seulement après…
– Tu
culpabilises.
– Et
pas qu’un peu. C’est dégueulasse ce que je fais. Il mérite pas
ça, Clément. Surtout que je lui ai juré mille et mille fois mes
grands dieux que je la trahirais plus jamais sa confiance. Seulement
c’est plus fort que moi, j’y arrive pas. Et je vis plus. Parce
que j’ose plus le regarder en face. Parce que j’arrête pas de me
demander s’il va pas découvrir le pot-aux-roses. Et il le
découvrira forcément. J’ai beau faire hyper attention, m’entourer
de millions de précautions, c’est obligé qu’un jour ou l’autre
ça finisse comme ça. Il arrive toujours un moment où on commet une
erreur. Ou bien il y a le hasard qui s’en mêle. Et puis il est pas
né de la dernière pluie non plus, Clément. Je suis bien tranquille
qu’il reste en alerte. Qu’il me surveille en douce. Chat échaudé…
On
était toutes les trois, Océane, Émilie et moi, du même avis. Il y
avait effectivement de fortes probabilités pour qu’il se rende
compte qu’elle le trompait. Et ce jour-là…
– Mais
qu’est-ce que je peux faire alors ? Qu’est-ce que vous
feriez, vous, à ma place ?
Nous ?
On le quitterait, ce type. Et au plus vite.
– Non,
mais alors ça, c’est juste pas possible. C’est au-dessus de mes
forces.
– Dans
ces conditions, il y a pas de solution.
Émilie,
elle, elle pensait qu’il y en avait quand même peut-être une.
– Joue
franc jeu !
– Comment
ça ?
– Mets
cartes sur table. Avoue tout ! Dis-lui les choses telles que tu
viens de nous les dire, là. C’est ta seule chance.
– C’est
quand même sacrément risqué.
– Pas
tant que de le laisser découvrir, par lui-même, ce qui se trame
derrière son dos.
– Peut-être…
Je sais pas.
– Par
contre, attends-toi à une fessée. Et carabinée.
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