jeudi 25 juillet 2019

Fessées punitives (13)


Il n’empêche que ça marchait. Ça marchait vraiment sa méthode au type, sur Internet, pour gagner au Keno.
Océane se voulait sceptique.
– Ouais ! Et le jour où tu voudras jouer pour de bon, tu te ramasseras en beauté.
Non, mais elle avait rien compris, là. Il était absolument hors de question que j’aille miser, ne fût-ce qu’un seul centime, sur quoi que ce soit. Je savais trop bien à quoi je m’exposais et je n’avais pas la moindre envie d’aller tenter le diable.
Dans ces conditions, effectivement…
Et elle s’est penchée, avec moi, sur les savants calculs qui permettaient à cet ingénieur de profession de faire de si substantiels bénéfices.
– C’est quand même impressionnant !
– Quand je te le disais !

Elle a fini par constituer tout un dossier.
– Regarde ! Non, mais regarde ! En jouant dix euros par jour, sur un mois, c’est quatre-vingts euros qu’on se serait mis dans la poche. Et sur trois mois quasiment quatre cents. Tu te rends compte ?
Bien sûr que je me rendais compte. J’étais bien placée pour.
– Et si ?
– Oh, non, Océane, non. J’ai promis à Julien de jamais y retoucher. Jamais.
– Il le saura pas. Comment tu veux ? Suffit qu’on mette une petite somme au départ. Disons cinquante euros chacune. Ça va pas chercher bien loin. On risque pas grand-chose.
J’ai résisté.
– Non, Océane, non.
Plus d’une semaine. Et puis…
Et puis j’ai craqué. On a joué. Un mois durant. Un mois au terme duquel on n’avait ni perdu ni gagné. Où on s’était contentées de récupérer nos mises.
Océane jubilait.
– Tu vois ! Tu vois ! Il s’aperçoit de rien. Et ça se passe pas si mal finalement. J’en étais sûre. Le mois prochain, on est bénéficiaires. C’est comme si c’était fait.

Et j’y ai repris goût. J’ai repris goût à cette impatience si particulière, si jubilatoire de l’attente du résultat. À ces poussées d’adrénaline quand il est là, à portée de main, qu’il ne s’en faut plus que de quelques secondes pour qu’il soit dévoilé, pour qu’on sache. À cette exaltation qui s’empare de vous quand vous réalisez que oui, ça y est, vous avez gagné.
Alors… Alors trois fois je suis passée devant. Trois fois. Et, la quatrième, je suis entrée. En me traitant de folle. En me jurant que c’était exceptionnel. Que ça le resterait. Et j’ai couru tout droit, le cœur battant, à la table de roulette. J’y ai passé deux heures. Deux heures de pur bonheur.

J’y suis retournée le lendemain. Et le surlendemain. Et les deux jours suivants.
Je n’ai pas osé demander à Océane. Qui m’aurait soufflé dans les bronches.
Et j’ai sollicité Émilie.
– Tu pourrais pas me prêter trois cents euros ? Juste pour quelques jours. Je te les restituerai mardi. Sans faute.
Elle n’a pas été dupe. Elle a refusé.
– Ce serait te rendre le plus mauvais des services.
Je n’ai pas pu non plus convaincre Bérengère.
– Désolée, mais je suis vraiment ric-rac en ce moment.
J’allais me tourner, en désespoir de cause, et avec un profond sentiment de culpabilité, vers une société de crédit quand, le soir même…
– Dis-moi, Lucile, tu faisais quoi au casino jeudi dernier ?
– Au casino ? Jeudi ? Mais rien, Julien, rien, je t’assure…
– Quelqu’un t’a vu pourtant.
– Quelqu’un ? Qui, ça ?
– Ça n’a pas d’importance qui.
J’ai rendu les armes. En minimisant.
– C’était juste une fois. Comme ça.
– Tu sais ce qui t’attend.
Je savais, oui.

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