lundi 22 juillet 2019

Entres cousines (2)



Tableau de Thomas Eakins

À nous de voir.
Oui, ben c’était tout vu, elle trouvait, elle, Alice.
– Parce qu’avec un homme, ce serait quand même pas pareil. Vous voudriez qu’il vous voie toutes nues, vous ? Mais je mourrais de honte, moi ! Sans compter qu’avec eux, on sait jamais comment les choses peuvent tourner. Ah, non ! Non ! Alors là, vous faites ce que vous voulez, mais moi, pas question.
Pour Éléonore aussi, c’était tout vu, mais dans l’autre sens. Parce qu’elle avait pas du tout envie, mais alors là pas du tout, que tout le monde soit au courant. Et surtout pas Louis, son amoureux.
– Il comprendrait pas. Il me trouverait vicieuse. Et il voudrait plus de moi.
Alors, à tout prendre, elle préférait encore, et de loin, en passer par les exigences de Lambert. Quoi qu’il doive lui en coûter.
– Parce qu’il mettra ses menaces à exécution sinon, je le connais.
Elles se sont tournées vers moi.
– Tu dis rien, Anne ?
Moi ? Oh, moi ! Moi, ce que j’en pensais, c’est que, finalement, ça devait pas être si mal que ça avec un homme. Et même sûrement mieux que juste entre filles. Que ça valait le coup d’essayer en tout cas.
– T’es folle ! Elle est complètement folle.
J’étais peut-être folle, mais ça les arrangeait bien.
– Parce que s’il en reparle…
– Et il en reparlera sûrement.
– Le mieux alors, ce serait que ce soit toi qui y ailles.
– Tu nous dirais comme ça.
– Oui… Et puis peut-être qu’une, ça lui suffirait finalement.

N’empêche qu’il était bel homme, le valet de chambre d’oncle Charles. Je le suivais discrètement des yeux tandis qu’il vaquait aux exigences de son service. Très bel homme. Et il avait de ces mains ! Elles me faisaient craquer, ses mains. J’y pensais le soir, dans mon lit. J’y pensais et je les imaginais s’abattant voluptueusement sur mon fessier, y laissant des marques rougeoyantes que je contemplais, les jours suivants, dans la psyché, avec ravissement.

C’est arrivé un mardi. On était toutes les trois dehors. Sous la tonnelle.
Il s’est approché.
– Alors ? Ces demoiselles ont réfléchi ?
Elles avaient réfléchi, oui.
– Et elles sont arrivées à quelle conclusion ?
Que s’il n’y avait pas d’autre solution…
Il n’y en avait pas, non. Et mieux valait battre le fer tant qu’il était chaud. Et donc. Donc…
– Par laquelle de ces demoiselles on va commencer ?
Éléonore et Alice se sont tournées vers moi. En même temps.
– Mademoiselle Anne, on dirait. Eh bien, venez, mademoiselle Anne !
Je suis venue. Je me suis levée et je l’ai bravement suivi. Même si je n’en menais pas large. Parce que ça paraissait facile de loin. C’était tentant. Séduisant. Très. Mais maintenant que j’étais au pied du mur…
Il m’a emmenée jusqu’au petit pavillon. Le domaine, depuis toujours, d’oncle Charles. Il en avait la clef. On est entrés.
– Et maintenant ?
Je n’ai pas soutenu son regard. J’ai baissé les yeux.
– Hein ? Et maintenant ?
Il a laissé le silence s’éterniser entre nous. Et puis…
– Je n’aurai pas la cruauté de vous imposer cette épreuve, mademoiselle Anne. Allez, rejoignez vite vos cousines.
– Oh, non !
Un cri. Sorti tout seul. Je suis devenue écarlate.
– Non ?
Il m’a soulevé le menton, du bout du doigt.
– Déshabille-toi alors !
Et je l’ai fait. Et je me suis regardée me déshabiller dans ses yeux.

(à suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire