Frédéric Bazille.
La toilette, 1870
On
était en train de procéder, comme tous les matins, à la toilette
de Madame la Comtesse, quand il y a eu tout un tumulte en bas. Des
cris. Des cliquetis de ferraille.
On
s’est interrompues.
– Poursuivez !
– Mais,
Madame la comtesse, ce sont très certainement…
– Les
troupes de Kadowski, oui. Et alors ? Est-ce une raison pour
changer quoi que ce soit à nos habitudes ?
Natta
s’est mise à trembler de tous ses membres.
– Qu’allons-nous
devenir ? Nous sommes seules, sans défense. Tous les hommes
sont partis combattre.
– Raison
de plus pour montrer à l’ennemi qu’il ne nous effraie pas. C’est
notre seule chance de salut.
Il y
a eu des pas précipités dans l’escalier. Madame la comtesse a
posément voilé sa nudité. La porte s’est violemment ouverte.
Kadowski et quatre hommes en armes se sont avancés jusqu’au milieu
de la pièce. Il a crié quelque chose, dans sa langue, et elle lui a
répondu.
Les
hommes ont fouillé partout. Ils ont ouvert les tiroirs, soulevé les
tentures, vidé les coffres. Sans trouver ce qu’ils cherchaient. Ce
qui a rendu Kadowski fou furieux. Il s’est mis à hurler. À
vociférer. Madame la comtesse faisait non de la tête. Non. Non. Et
encore non.
Il a
hurlé un ordre et deux des soldats ont voulu s’emparer d’elle.
Par le bras. Chacun d’un côté. Elle s’est dégagée, avec
détermination. Elle s’est levée, a laissé tomber son voile et
s’est avancé, nue, vers Kadowski qui a encore aboyé quelque
chose.
Elle
s’est agenouillée.
Les
deux soldats ont détaché leurs ceinturons. Et ils ont frappé.
Ensemble. À tour de bras. Ça s’inscrivait, chaque fois, en
longues traînées pourpres, sur la peau de son dos et de ses fesses.
Elle n’a pas crié. Elle n’a pas gémi.
Kadowski
a fait signe d’arrêter. Lui a posé une question.
Encore
non. Non. Et non.
Les
coups ont repris de plus belle. Le sang a perlé.
Quand
ils sont repartis, elle n’avait pas cédé.
Elle
est retournée s’asseoir.
– Reprenons
ma toilette. Ils ne reviendront pas.
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