lundi 6 mai 2019

Défilé militaire (3)




Tableau de Victor-Gabriel Gilbert

Il s’est écoulé une quinzaine de jours. Et puis, un matin, dans ma boîte aux lettres, une enveloppe sans adresse, sans cachet de la poste, sans le moindre signe distinctif. Juste mon nom. En gros caractères bleus.

Monsieur,

Pardonnez la liberté que je prends de vous écrire sans que vous m’y ayez autorisée, mais, depuis ce bal de l’autre soir, je ne vis plus, je ne dors plus, je ne mange plus. J’erre comme une âme en peine dans un état de permanente anxiété.
Vous m’avez en effet assuré, ce jour-là, que vous ne trahiriez pas mon secret, à la condition, toutefois, qu’en contrepartie j’accepte que vous me punissiez. Je m’attendais donc à ce que vous vous manifestiez, d’une façon ou d’une autre, à un moment ou un autre, pour exiger de moi que je remplisse ma part du contrat. Or, rien. Le silence. Un insupportable silence. Sur la nature duquel je ne cesse de m’interroger. Auriez-vous finalement changé d’avis ? Renoncé ? Dois-je désormais redouter qu’on sache ? D’être la risée de mes voisins, de tout l’immeuble ? D’être traînée dans la boue par ma tante… Je ne le supporterais pas. Alors je vous en conjure : faites-moi part de vos intentions. L’incertitude dans laquelle vous me maintenez est par trop insupportable. Faites-m’en part et sachez que, quoi qu’il doive m’en coûter, je suis prête à me laisser châtier, si tel doit être le prix de votre silence.
Ne répondez pas à cette lettre, ne venez en aucun cas me trouver chez moi, mais soyez, mardi après-midi, à quinze heures, à l’église Saint-Paul.
Pour ma part, j'y serai.
Merci.

Claire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire