Tableau de Gaston Latouche
Tout
s’arrête. Toute la file. On s’interpelle d’un équipage à
l’autre.
– Qu’est-ce
qu’il se passe ?
Personne
n’en sait rien.
Et
puis un remous. Un frémissement. Ça se répand comme une traînée
de poudre.
– C’est
le carrosse de la reine.
– Qui
s’est immobilisé au milieu du gué.
– On
a ordre d’aller aider à le sortir de là.
Nous,
les duchesses, comtesses et marquises de sa suite.
– Nous ?
Mais pourquoi nous ? Ce n’est pas le rôle des valets, ça ?
Ma
plus proche voisine hausse les épaules.
– Vous
êtes toute nouvelle à la Cour, non ?
– Assurément.
Elle
sourit.
– Vous
apprendrez, avec le temps, à connaître Sa Majesté.
Pourquoi ?
Qu’est-ce qu’elle veut dire ? Qu’y a-t-il à connaître ?
Elle
ne répond pas. Elle se détourne.
Un
laquais va et vient, hilare, de l’une à l’autre. Des unes aux
autres.
– Dépêchons,
Mesdames ! Dépêchons ! Sa Majesté attend.
On
approche. On arrive.
La
première femme de chambre fait les cent pas sur la berge.
– Il
vous va falloir pousser.
Elle
nous ordonne de nous dévêtir.
– Hors
de question que vous salissiez vos jolies parures.
Il y
a, ici ou là, quelques protestations. Qu’elle fait taire.
– C’est
un ordre de la reine.
À
mes côtés, Madame de Saint-Elme murmure.
– J’en
étais sûre.
Et
se déshabille. Les autres aussi. Je les imite.
On
est nues. Entièrement nues. On descend dans le ruisseau. On
s’arc-boute contre les roues.
Le
cocher hurle.
– Mais
poussez, bon sang ! Poussez ! Qu’est-ce que vous
fabriquez ?
Par
la portière de son carrosse, Sa Majesté nous regarde nous échiner
en vain. Elle semble beaucoup s’amuser.
On
pousse. On tire. On soulève. Longtemps.
Rien
ne bouge.
Exténuée,
essoufflée, je m’accorde quelques instants de répit.
– La
reine vous appelle.
– Moi ?
– Vous,
oui.
Je
m’approche. Elle m’enferme dans son regard.
– Comment
vous appelez-vous ?
– Eugénie
de Maubuisson, Votre Majesté.
– Eh
bien, Eugénie de Maubuisson, vous n’êtes guère courageuse.
– Que
Votre Majesté me pardonne, mais…
– Nous
allons faire en sorte de vous redonner du cœur à l’ouvrage.
Elle
fait un signe.
Quelqu’un
m’empoigne. Solidement. C’est l’un des valets. Qui me soulève
dans les airs. Qui m’immobilise. Et qui me claque les fesses. À
tour de bras. Je me débats. Je gigote. Je hurle. Rien n’y fait.
Autour, on s’est arrêté. On regarde. On sourit.
Sa
Majesté, elle, rit. Franchement. De bon cœur.
C’est
humide entre mes cuisses.
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