On avait échangé nos numéros.
Et
elle n’a pas tardé à m’appeler.
– Je
connais même pas votre prénom.
– Lucile.
Et toi ?
– Océane.
Oui, je voulais vous dire. J’ai parlé de vous à l’une de mes
deux copines qui en reçoivent aussi, là. Et elle aimerait beaucoup
faire votre connaissance.
– C’est
quand elle veut. Tu me dis.
– Ce
soir, ce serait possible ?
– Va
pour ce soir.
– Ça
lui fera le plus grand bien, je crois, de discuter avec vous. Parce
qu’elle se pose des tas de questions. Elle se demande où ça va
avec son mec. Si c’est pas en train de partir complètement en
vrille.
– Comment
ça ?
– Ben,
elle a beau en être amoureuse comme une folle de son Clément, elle
peut pas s’empêcher d’aller voir ailleurs. Dès qu’un mec lui
plaît, faut qu’elle se le fasse, Bérengère, c’est plus fort
qu’elle. Elle a toujours été comme ça. Depuis que je la connais.
Et même avant, à ce qu’elle m’a dit. Sauf que lui, il apprécie
pas vraiment. Ce qu’on peut comprendre. Ils ont eu des tas
d’explications tous les deux, plus ou moins orageuses. Ils sont
restés des jours et des jours sans se parler. Et, au bout du compte,
ils ont décidé, d’un commun accord, d’avoir recours à la
fessée. Chaque fois qu’elle irait voir ailleurs, elle s’en
prendrait une. Carabinée. Ça a bien marché au début. Très bien
même. Elle avait une telle horreur de se faire claquer le derrière
que ça lui était quasiment passé. Et puis petit à petit, c’est
revenu. Elle les appréhende toujours autant, les fessées, elle les
déteste toujours autant, mais elles y font plus rien. Elle recouche
autant qu’avant. Peut-être même pire qu’avant. Quitte à s’en
ramasser des sacrées. Ça l’arrête plus.
– Je
vois.
– Et
son Clément, il vit tout ça très mal. Il est découragé. Il dit
qu’ils y arriveront jamais. Que c’est pas la peine. Autant que
chacun taille sa route. Ce qu’elle ne veut, elle, à aucun prix.
Parce que d’un côté, elle tient à lui comme c’est pas
possible, mais de l’autre…
– J’ai
bien peur pour elle que…
– Oui,
moi aussi…
Et
j’ai donc fait, en compagnie d’Océane, la connaissance de cette
Bérengère. Une petite brune qui ne payait pas de mine. À qui on
aurait donné le bon Dieu sans confession.
Qui
est presque tout de suite entrée, la mine défaite, dans le vif du
sujet.
– Je
crois que c’est mort.
– Si
tu pars battue…
– C’est
lui qui part battu. Et il a raison. Des dizaines et des dizaines, il
m’en a donné des fessées. Ça a servi à rien. On en est toujours
au même point. Dès qu’un type me fait les yeux doux, je peux pas
m’empêcher de me demander comment il s’y prend. J’ai envie de
l’essayer. Et j’y saute à pieds joints. Sur le moment, il y a
plus rien d’autre qui compte. Même si, après, je dois m’en
mordre les doigts. Je suis nulle.
– Mais
non, t’es pas nulle…
– Ben
si, la preuve ! Je gâche tout. Non, il a raison, Clément. On
n’y arrivera jamais. Et c’est de ma faute. Complètement de ma
faute.
J’ai
suggéré.
– Et
si vous essayiez autre chose ?
– Oui,
mais quoi ?
– Ben
si, par exemple, il vous la donnait devant quelqu’un la fessée ?
– Oh,
non, non ! J’aurais bien trop honte.
– C’est
peut-être justement ce qui la rendrait enfin efficace.
Océane
a abondé dans mon sens.
– Mais
oui, elle a raison. Ça te guérirait complètement si ça tombe.
C’est une super idée, moi je trouve.
– Je
sais pas, je…
– C’est
peut-être votre dernière chance. Alors ça vaut le coup de la
saisir, non ? Réfléchis-y au moins ! Discutez-en tous les
deux…
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