– Alors ?
– Attendez !
Laissez-moi le temps…
– Vous
voyez quelque chose ?
– Oh,
beaucoup de choses.
– Approchez-vous,
si vous voulez !
– Ce
n’est pas de refus, oui. Ce sera plus commode.
– C’est
grave ?
– Difficile
de se prononcer avec certitude. Il y a de fortes probabilités pour
que ce le soit. Ou, à terme, le devienne. Parce que toutes les
humeurs corporelles de Madame la duchesse sont venues se concentrer
là, dans les parties charnues.
– Mais
c’est affreux ! Existe-t-il un remède ?
– Laissez-moi
examiner encore…
– Faites !
Faites !
– Il
est indispensable de chasser ces humeurs au plus tôt.
– Comment
cela ?
– La
seule méthode réellement éprouvée consiste à fustiger la région
concernée.
– Vous
voulez dire…
– Qu’il
va falloir fouetter Madame la duchesse, oui.
– N’y
a-t-il point d’autre méthode ?
– Aucune
qui soit réellement efficace.
– Il
va donc être nécessaire…
– Qu’elle
se résolve à en passer par là, oui. Si elle s’y refuse, je ne
réponds plus de rien.
– Elle
s’y résoudra. Avec quoi faudra-t-il opérer ?
– La
cravache me semble, pour toutes sortes de raisons, l’instrument le
plus approprié. Et de loin. Même si un fouet, à condition qu’il
soit d’excellente qualité et manié avec dextérité, peut
éventuellement faire également l’affaire.
– Je
me procurerai cet ustensile. Combien faudra-t-il administrer de
coups ?
– Une
dizaine. Pour commencer. Mais sans doute sera-t-il indispensable de
renouveler à plusieurs reprises le traitement.
– Longtemps ?
– Tout
dépendra de l’évolution de la maladie. Il importe, en tout cas,
si l’on veut que la guérison survienne dans les meilleurs délais,
de cibler avec une extrême précision la zone concernée.
– La
cibler… avec beaucoup de force ?
– Ni
trop ni pas assez. Tout est question de savant dosage. Et seules
l’habitude, l’expérience… Aussi serait-il sans doute
infiniment préférable, dans l’intérêt même de la santé de
Madame la duchesse, que je me charge moi-même de lui administrer
cette indispensable médecine.
– C’est
trop de bonté de votre part, mais votre temps est précieux et…
– Il
n’importe… Il n’importe… Je m’en voudrais éternellement
si, faute d’avoir moi-même officié, je voyais la santé de Madame
la duchesse se dégrader encore et si une issue fatale…
– Une
issue fatale ? Mon Dieu !
– Loin
de moi l’intention de vous alarmer, mais plus tôt je commencerai
le traitement et meilleures seront les chances de guérison.
– J’y
vais. Je vais derechef vous quérir une cravache.
J'aimerais bien savoir quelle est cette maladie, moi...
RépondreSupprimerChez Molière, c'est le malade qui s'imagine l'être. Ici, toutes proportions gardées, c'est le médecin qui imagine une maladie qui l'arrange bien.
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