lundi 15 octobre 2018

Un remède efficace



– Alors ?
– Attendez ! Laissez-moi le temps…
– Vous voyez quelque chose ?
– Oh, beaucoup de choses.
– Approchez-vous, si vous voulez !
– Ce n’est pas de refus, oui. Ce sera plus commode.
– C’est grave ?
– Difficile de se prononcer avec certitude. Il y a de fortes probabilités pour que ce le soit. Ou, à terme, le devienne. Parce que toutes les humeurs corporelles de Madame la duchesse sont venues se concentrer là, dans les parties charnues.
– Mais c’est affreux ! Existe-t-il un remède ?
– Laissez-moi examiner encore…
– Faites ! Faites !
– Il est indispensable de chasser ces humeurs au plus tôt.
– Comment cela ?
– La seule méthode réellement éprouvée consiste à fustiger la région concernée.
– Vous voulez dire…
– Qu’il va falloir fouetter Madame la duchesse, oui.
– N’y a-t-il point d’autre méthode ?
– Aucune qui soit réellement efficace.
– Il va donc être nécessaire…
– Qu’elle se résolve à en passer par là, oui. Si elle s’y refuse, je ne réponds plus de rien.
– Elle s’y résoudra. Avec quoi faudra-t-il opérer ?
– La cravache me semble, pour toutes sortes de raisons, l’instrument le plus approprié. Et de loin. Même si un fouet, à condition qu’il soit d’excellente qualité et manié avec dextérité, peut éventuellement faire également l’affaire.
– Je me procurerai cet ustensile. Combien faudra-t-il administrer de coups ?
– Une dizaine. Pour commencer. Mais sans doute sera-t-il indispensable de renouveler à plusieurs reprises le traitement.
– Longtemps ?
– Tout dépendra de l’évolution de la maladie. Il importe, en tout cas, si l’on veut que la guérison survienne dans les meilleurs délais, de cibler avec une extrême précision la zone concernée.
– La cibler… avec beaucoup de force ?
– Ni trop ni pas assez. Tout est question de savant dosage. Et seules l’habitude, l’expérience… Aussi serait-il sans doute infiniment préférable, dans l’intérêt même de la santé de Madame la duchesse, que je me charge moi-même de lui administrer cette indispensable médecine.
– C’est trop de bonté de votre part, mais votre temps est précieux et…
– Il n’importe… Il n’importe… Je m’en voudrais éternellement si, faute d’avoir moi-même officié, je voyais la santé de Madame la duchesse se dégrader encore et si une issue fatale…
– Une issue fatale ? Mon Dieu !
– Loin de moi l’intention de vous alarmer, mais plus tôt je commencerai le traitement et meilleures seront les chances de guérison.
– J’y vais. Je vais derechef vous quérir une cravache.

2 commentaires:

  1. J'aimerais bien savoir quelle est cette maladie, moi...

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  2. Chez Molière, c'est le malade qui s'imagine l'être. Ici, toutes proportions gardées, c'est le médecin qui imagine une maladie qui l'arrange bien.

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