samedi 20 octobre 2018

Les fantasmes de Lucie (22)


Pierre-Antoine Baudoin La lecture (1760)

Il y avait, sur mon bureau, un petit paquet oblong, orné d’une jolie faveur rose.
– Qu’est-ce que c’est ? C’est pour moi ?
Cordelia a souri.
– Ben oui, c’est pour toi. C’est pas ton anniversaire aujourd’hui ?
– Si ! Mais…
– Eh bien, ouvre !
Ce que je me suis empressée de faire.
À l’intérieur, un gode. D’une belle taille. D’une épaisseur prometteuse. En ivoire. Avec tous les attributs.
– C’est bien les doigts, mais il y a pas que ça dans la vie. Non ?
– Tu l’as trouvé où ?
– C’est vieux. Je sais pas au juste de quand ça date, mais c'est vieux.
– Il a servi ?
– Sûrement que c’était pas juste pour décorer la cheminée du salon…
J’en ai suivi les contours. J’ai refermé la main dessus.
Sa main est venue rejoindre la mienne.
– Par contre, ça doit quand même manquer un peu de flexibilité.
Elle l’a précipitamment retirée.
– Fais gaffe ! Fais gaffe !
Un pas dans le couloir.
Juste le temps de le faire disparaître dans mon sac. Avec l’emballage. Et la faveur rose.
Séverine, la chef.
– Tu peux venir, Cordelia ? Le technicien est là pour les imprimantes. Et comme c’est toi qui t’es occupée du dossier…
Je suis restée seule.

Je suis seule et je suis là-bas. Noble dame d’alors. Je suis dans mon boudoir. Confortablement installée dans mon grand fauteuil bleu, la tête et les épaules bien calées par un confortable oreiller, je lis. C’est l’histoire d’un irrésistible et robuste seigneur dans les bras duquel gentes dames et accortes servantes viennent tour à tour se pâmer. Je repose mon livre. Je ferme les yeux. Ça me ruisselle en abondance entre les cuisses. Je sors de sa cachette mon indéfectible ami. Je l’enfouis sous ma robe. Je lui offre une petite promenade dans les environs immédiats de son point de chute avant de le mettre en place, de bien le caler, de me refermer sur lui. Et je sonne.
– Madame désire ?
– T’entretenir quelques instants, Jeanne. Parle-moi donc de ton galant.
– Madame sait bien.
– Il est toujours amoureux ?
– Oh, pour ça, oui ! Plus que jamais. Il ne me laisse point de repos.
– Tu ne vas pas t’en plaindre !
– Certes, non ! Même qu’il voudrait encore davantage que je ne le repousserais pas. D’autant que…
– Que ?
– Qu’il a été particulièrement gâté par la nature.
Un frisson me parcourt toute. Puis un bref spasme de plaisir.
– Et tu y trouves ton compte…
– Sûr !
Un autre. Plus intense. Plus profond.
– Tant et si bien que, deux lieues à la ronde, plus personne ne peut fermer l’œil.
Elle prend un air désolé.
– Que Madame me pardonne…
Ça vient. Ça va venir.
– Du tout, Jeanne, du tout ! Profitez de votre jeunesse. Profitez de votre Guillaume. Et tant pis pour les esprits chagrins.
C’est presque là.
– Laisse-moi maintenant, Jeanne ! Laisse-moi !
– Madame ne se sent pas bien ?
– Très bien, si ! Laisse-moi, te dis-je !
Elle s’en va.
Ça me transperce toute.

– Quelle purge ce technicien ! Deux heures pour régler une imprimante. Non, mais, franchement ! Et toi pendant ce temps-là… Ah, ben si, si ! Vu la tête que t’as ! Et comment ils brillent tes yeux. T’aurais pu m’attendre quand même, avoue ! Que je te voie faire. C’était mon cadeau, merde, après tout.
– Il y aura d’autres occasions.
– Oui, oh, ben alors là, t’as intérêt ! Et sans tarder…

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