Pierre-Antoine
Baudoin La lecture (1760)
Il y
avait, sur mon bureau, un petit paquet oblong, orné d’une jolie
faveur rose.
– Qu’est-ce
que c’est ? C’est pour moi ?
Cordelia
a souri.
– Ben
oui, c’est pour toi. C’est pas ton anniversaire aujourd’hui ?
– Si !
Mais…
– Eh
bien, ouvre !
Ce
que je me suis empressée de faire.
À
l’intérieur, un gode. D’une belle taille. D’une épaisseur
prometteuse. En ivoire. Avec tous les attributs.
– C’est
bien les doigts, mais il y a pas que ça dans la vie. Non ?
– Tu
l’as trouvé où ?
– C’est
vieux. Je sais pas au juste de quand ça date, mais c'est vieux.
– Il
a servi ?
– Sûrement
que c’était pas juste pour décorer la cheminée du salon…
J’en
ai suivi les contours. J’ai refermé la main dessus.
Sa
main est venue rejoindre la mienne.
– Par
contre, ça doit quand même manquer un peu de flexibilité.
Elle
l’a précipitamment retirée.
– Fais
gaffe ! Fais gaffe !
Un
pas dans le couloir.
Juste
le temps de le faire disparaître dans mon sac. Avec l’emballage.
Et la faveur rose.
Séverine,
la chef.
– Tu
peux venir, Cordelia ? Le technicien est là pour les
imprimantes. Et comme c’est toi qui t’es occupée du dossier…
Je
suis restée seule.
Je
suis seule et je suis là-bas. Noble dame d’alors. Je suis dans mon
boudoir. Confortablement installée dans mon grand fauteuil bleu, la
tête et les épaules bien calées par un confortable oreiller, je
lis. C’est l’histoire d’un irrésistible et robuste seigneur
dans les bras duquel gentes dames et accortes servantes viennent tour
à tour se pâmer. Je repose mon livre. Je ferme les yeux. Ça me
ruisselle en abondance entre les cuisses. Je sors de sa cachette mon
indéfectible ami. Je l’enfouis sous ma robe. Je lui offre une
petite promenade dans les environs immédiats de son point de chute
avant de le mettre en place, de bien le caler, de me refermer sur
lui. Et je sonne.
– Madame
désire ?
– T’entretenir
quelques instants, Jeanne. Parle-moi donc de ton galant.
– Madame
sait bien.
– Il
est toujours amoureux ?
– Oh,
pour ça, oui ! Plus que jamais. Il ne me laisse point de repos.
– Tu
ne vas pas t’en plaindre !
– Certes,
non ! Même qu’il voudrait encore davantage que je ne le
repousserais pas. D’autant que…
– Que ?
– Qu’il
a été particulièrement gâté par la nature.
Un
frisson me parcourt toute. Puis un bref spasme de plaisir.
– Et
tu y trouves ton compte…
– Sûr !
Un
autre. Plus intense. Plus profond.
– Tant
et si bien que, deux lieues à la ronde, plus personne ne peut fermer
l’œil.
Elle
prend un air désolé.
– Que
Madame me pardonne…
Ça
vient. Ça va venir.
– Du
tout, Jeanne, du tout ! Profitez de votre jeunesse. Profitez de
votre Guillaume. Et tant pis pour les esprits chagrins.
C’est
presque là.
– Laisse-moi
maintenant, Jeanne ! Laisse-moi !
– Madame
ne se sent pas bien ?
– Très
bien, si ! Laisse-moi, te dis-je !
Elle
s’en va.
Ça
me transperce toute.
– Quelle
purge ce technicien ! Deux heures pour régler une imprimante.
Non, mais, franchement ! Et toi pendant ce temps-là… Ah, ben
si, si ! Vu la tête que t’as ! Et comment ils brillent
tes yeux. T’aurais pu m’attendre quand même, avoue ! Que je
te voie faire. C’était mon cadeau, merde, après tout.
– Il
y aura d’autres occasions.
– Oui,
oh, ben alors là, t’as intérêt ! Et sans tarder…
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