jeudi 11 octobre 2018

Quinze ans après (27)


On était, Coxan et moi, tranquillement installés à une terrasse de café.
– Tiens, regarde qui c’est qu’arrive ! Ben alors, Camille, on dit plus bonjour !
Elle s’est arrêtée net.
– Je vous avais pas vus.
– Fais la bise à Coxan au moins.
– Ah, oui, pardon…
Elle s’est penchée. Lui a tendu la joue.
– Qu’est-ce tu fais dans le coin ? Tu travailles pas aujourd’hui ?
– C’est mon jour de repos.
– Ben, assieds-toi ! T’as bien deux minutes.
Elle l’a fait. Du bout des fesses.
– C’est pas vrai que ça te cuit encore !
– Ça me cuit plus, non. Mais c’est sensible.
– Beaucoup ?
– Pas mal.
– Tant mieux. Parce que t’avais mérité, avoue !
– Oui.
– Et s’il n’avait tenu qu’à moi, je peux te dire que tu t’en serais pas tirée à si bon compte. Traiter les clients avec une telle désinvolture ! Non, mais cette fois, on aura tout vu.
Elle a baissé la tête.
Je la lui ai fait relever. Du bout du doigt.
– D’ailleurs, moi, je crois bien que tu lui dois encore une petite compensation à Coxan. Vu la façon inqualifiable dont tu t’es comportée avec lui. Non ? T’es pas de cet avis ?
– Si !
– Et quoi comme compensation ?
– Je sais pas.
– Eh bien moi, je sais ! Il y a une caméra de surveillance dans le bureau de Madame Gorsalier. Une caméra qui a tout filmé l’autre jour quand t’as reçu ta fessée. Alors ce que tu vas faire… Tu vas aller lui demander la bande à ta patronne. Et tu vas bien gentiment venir l’offrir à Coxan.
– Oui.
– Eh bien, vas-y ! Qu’est-ce t’attends ?
Elle s’est levée.
– Et n’oublie pas de faire faire un paquet cadeau.

Elle le lui a tendu. À bout de bras.
– Ah, non, pas comme ça, non ! À genoux tu vas te mettre.
Elle a jeté un rapide coup d’œil autour d’elle.
– Ben oui, il y a du monde, oui ! Mais ça fait rien ! Qu’est-ce ça peut faire ?
Elle s’est agenouillée.
Coxan n’a pas pris tout de suite le paquet. Il l’a d’abord longuement sermonnée. Il lui a fait promettre de faire des efforts – tous les efforts qu’elle pourrait – pour mieux se comporter à l’avenir.
– C’est dans ton intérêt à toi. Tu en as bien conscience, j’espère ?
Oui. Oui. De la tête.
Des gens passaient. Ralentissaient. Arboraient parfois de petits sourires moqueurs. Certains s’arrêtaient. Commentaient.
Il s’est bien écoulé une bonne dizaine de minutes avant qu’il consente enfin à accepter son présent.
– C’est quoi ?
– Vous savez bien.
– Pas du tout, non.
– Ma fessée.
– Ah, oui ? C’est gentil. Ça me touche beaucoup. Ben, tu sais pas ? On va aller regarder ça ensemble alors. Tous les trois. Ah, si, si, j’y tiens…

2 commentaires:

  1. LA situation que je n'aimerais vraiment pas. La pauvre, en public.

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  2. Sans doute! Mais peut-être qu'avec le recul cette situation, quand elle y repensera, finira-t-elle par avoir, pour elle, un charme troublant.

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