Dessin
de Pierre Carrier-Belleuse
J’ai
vu Julien. Vendredi. Ça faisait quatre mois. Pas loin. Est-ce que
j’en avais vraiment envie ? Oui et non. Il est gentil, Julien.
Il est tout ce qu’on veut. Mais bon, on est d’accord sur rien.
Alors on évite de discuter. On se prendrait la tête. Reste quoi ?
Ben, la baise. C’est ni bien ni mal avec lui. C’est de la baise,
un point c’est tout. C’est pas qu’il sache pas s’y prendre,
non. Il serait même plutôt doué dans son genre, mais c’est moi
qui suis pas très réceptive. Parce que les mecs, faut bien
reconnaître qu’on prend nettement moins son pied avec que quand on
se fait ça toute seule. Avec ses images. Ses fantasmes. À son
rythme. Moi, en tout cas, c’est comme ça que je fonctionne. Et les
types, du coup, il y a belle lurette que je cours plus après. Pour
ce que ça apporte ! Et c’est des complications à n’en plus
finir. En plus ! Bon, mais enfin là, c’était Julien. Et avec
Julien, ça fait près de dix ans qu’on se connaît. Et qu’on le
fait. Épisodiquement. Plus par habitude qu’autre chose. Alors que
je lui refuse, il comprendrait pas. Faudrait que j’entre dans des
explications à la mords-moi-le-nœud. Et ça, j’ai pas envie. J’ai
vraiment pas envie. Donc, on s’est vus. À l’hôtel. On a fait
notre petite affaire. Il m’a un peu parlé de sa copine. Qu’il se
demande s’il va rester avec. Il sait pas. Il sait vraiment pas. On
a encore refait notre petite affaire. Et on s’est endormis. Au
matin, il est descendu chercher son journal. Depuis que je le
connais, il est toujours descendu chercher son journal le matin.
C’est une habitude à laquelle il ne dérogerait pour rien au
monde.
Je
me suis étirée. Nue sur le lit, j’ai laissé les premiers rayons
du soleil me caresser langoureusement la peau. Dans les chambres
voisines, on a commencé à remuer. Des conversations étouffées.
Des ruissellements d’eau. Des rideaux se sont tirés. Des fenêtres
se sont ouvertes.
On a
frappé. J’ai cru que c’était Julien.
– Ben,
entre ! Qu’est-ce tu fous ? T’as pas besoin de frapper.
Ce
n’était pas Julien. C’était un jeune serveur, d’une vingtaine
d’années, qui apportait le petit déjeuner.
Il
n’a pas cillé.
– Je
vous mets le plateau où ?
Impossible
de précipitamment ramener draps et couverture. J’étais allongée
de tout mon long dessus.
Je
me suis tournée sur le ventre.
– Désolée…
Je pensais… Mon ami… Il est descendu… Le journal…
Il a
eu un petit sourire. Il n’en croyait manifestement pas un mot.
– Je
vous mets le plateau où ?
– Là-bas…
Sur la petite table… Près de la fenêtre… Merci.
Je
l’ai entendu le poser derrière moi. Il s’est passé du temps.
Beaucoup de temps. Beaucoup trop de temps. Il me matait les fesses.
J’en étais sûre. Je le sentais.
Il
s’est enfin décidé à quitter la chambre. En passant à ma
hauteur, il m’a jeté un petit regard complice en coin.
– Bon
appétit !
– Merci.
Je
n’arrête pas, depuis, de le convoquer dans mes rêveries. Je
revois la scène. Son sourire au début. Son regard à la fin. Cet
interminable temps de latence entre les deux. Et j’imagine.
J’imagine qu’il n’a rien de plus pressé, au sortir de la
chambre, que d’aller s’isoler pour se donner du plaisir.
Frénétiquement. Sauvagement. À cause de moi. Grâce à moi. Pour
moi. Et je l’accompagne. Je me pianote, les yeux fermés, en le
regardant faire.
Il y
a aussi des fois où je me figure que, la veille, je me suis offert
une vigoureuse et retentissante fessée. Il entre. Avec son plateau.
Me retourner ? Impossible. Pour qu’il voie mes fesses
cramoisies ? Ah, non ! Non ! Merci bien. Je préfère
encore lui abandonner le spectacle de ma nudité de devant qu’il ne
se prive pas, dès lors, de contempler avec gourmandise. Avec tant de
gourmandise et d’avidité que je finis, d’instinct, par faire ce
que j’étais décidée à ne pas faire. Je me retourne sur le
ventre. Il pousse un long sifflement stupéfait.
– Eh,
ben dis donc ! Comment on vous a arrangée !
Et
il reste là, derrière moi, à examiner tranquillement l’étendue
des dégâts. À s’en repaître. Longtemps. Son souffle s’accélère.
Il y a comme un bruit de succion. Il le fait. Il se le fait. Et ça
m’excite. Non, mais comment ça m’excite. Je glisse par
en-dessous ma main entre mes cuisses. Mes lèvres. Mon bouton. Que je
brandille. Que je tortionne. Que je tourbillonne tant et plus. Que
c’est bon ! Mais que c’est bon ! C’est quand je sens
sa semence se répandre toute chaude sur mes fesses que mon plaisir
me crucifie dans un grand râle.
J'ai chaud, en fait, moi...
RépondreSupprimerLucie est pleine d'imagination. Et sait faire son miel de la moindre situation quotidienne.
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