Il
ne paye pas de mine, ce gentilhomme. Bien mis. Sachant parler. Et de
ces yeux ! Ils feraient fondre n’importe qui, ses yeux.
Il
m’aborde, tout sourire, à la porte de la diligence.
– Vous
allez à Angoulême ?
J’y
vais, oui.
– J’ai
des lettres à faire acheminer de toute urgence là-bas. Vous verriez
un inconvénient à vous en charger ?
– Faudrait
que je les remette à qui ?
– Un
ami à moi. Il vous attendra à l’arrivée. Il sera vêtu d’un
pourpoint rouge et vous demandera si le roi est bien à
Saint-Germain. Vous vous souviendrez ?
Et
il me tend une bourse pleine d’or.
Comment
refuser dans ces conditions ? Et je passe la plus grande partie
du voyage à imaginer avec délectation tout ce qu’une pareille
somme va me permettre de m’offrir. Déjà, pour commencer, je vais
renouveler en totalité ma garde-robe. Et puis j’achèterai des
bijoux. Des monceaux de bijoux. Ensuite, s’il me reste
suffisamment, le si joli coffre en bois vu chez l’ébéniste.
Après… Eh bien après…
À
l’arrivée, il n’y a pas de pourpoint rouge. Et je reste plantée
là, perplexe. Quoi faire ? Attendre ? Je ne me pose pas
longtemps la question. Trois types surgissent brusquement de nulle
part. Me tombent dessus.
– C’est
elle ! C’est sûrement elle.
Ils
m’entraînent sous une porte cochère.
– Tu
viens par là ! Et tu fais pas d’histoires.
Il y
en a un qui fourrage dans mon corsage. Qui en extirpe les lettres.
Qui y jette un coup d’œil.
– C’est
bien ça !
Un
autre s’empare de la bourse. Que j’essaie en vain de lui
disputer. Il me donne une petite tape sur le bras.
– Allons,
allons, sage !
Et
me la subtilise.
Le
plus grand me pose une main sur l’épaule.
– Bon,
alors maintenant tu vas nous dire… Qui t’a confié ces lettres ?
– Un
gentilhomme.
– Son
nom ?
– J’en
sais rien, moi !
– Tu
comptes vraiment nous faire gober ça ?
– Mais
c’est vrai !
– Ben,
voyons ! Bon… Assez perdu de temps. Tu viens avec nous. On va
te délier la langue, tu vas voir !
Elles
sont quatre. Quatre femmes. Entre les mains desquelles ils me
remettent.
– Vous
nous la faites causer ?
– Avec
plaisir.
Celle
assise dans le fauteuil me contemple d’un petit air gourmand.
– Alors,
comme ça, on veut faire sa mauvaise tête…
– Je
sais pas. Je vous assure que je sais pas.
– Mais
si, tu sais, tu vas voir ! Bon, les filles, vous nous la mettez
en position ?
Elles
ne se le font pas répéter deux fois. Elles m’empoignent. Malgré
mes protestations. Il y en a deux qui me forcent à m’allonger sur
un banc. Sur le ventre. Qui m’y maintiennent solidement tandis
qu’une troisième me lie les jambes. Au niveau des chevilles et des
genoux. Je résiste. Je me débats. Mais elles sont plus fortes. Et
elles sont trois.
– Alors ?
On t’écoute…
Elles
m’écoutent… Mais qu’est-ce qu’elles veulent que je leur
dise ? J’ai rien à leur dire, moi…
– Commencez-la
aux orties…
Elles
me troussent. Ça s’abat sur mes fesses en milliers d’aiguilles
portées à incandescence. En haut. En bas. Au milieu. Partout. Ça
recouvre petit à petit toute la surface. Ça s’y éparpille. Et
puis ça revient. Aux mêmes endroits. Ça s’y incruste. Ça s’y
installe. Douloureux. Tellement.
On
me dit quelque chose. De loin. De si loin. Je n’écoute pas. Je
n’entends pas.
Ça
fait mal. Comme ça fait mal ! De plus en plus mal. Mais en même
temps… Oh, oui ! Oh, oui ! Comment j’ai bien fait
d’aller cueillir cette brassée d’orties finalement…
Sacrée Lucie. Espérons qu'un jour elle réalise au moins l'un de ses fantasmes.
RépondreSupprimerC'est le genre de choses qui finit presque forcément par arriver quand on en a vraiment très très envie…
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