lundi 3 septembre 2018

L'insolente


Dessin de Louis Malteste

– Oui, Madame la comtesse, oui. Elle a été punie comme elle le mérite. Ce matin même.
– Une telle insolence ! À mon égard ! Venant d’une petite servante de rien du tout. Qu’on a sortie du ruisseau. C’est une honte ! Une véritable honte !
– Soyez assurée, Madame la comtesse, que cela ne se reproduira pas.
– En êtes-vous bien certaine ? Avec des natures aussi viciées, on peut s’attendre à tout.
– La leçon aura nécessairement porté ses fruits. Nous ne l’avons pas ménagée.
– Vraiment ?
– Vraiment. Elle va vous montrer. Eh bien, toi, qu’est-ce que tu attends ? Fais voir à Madame la comtesse. Mais là ! Là ! Devant la chaise ! Et à genoux ! Ce que tu peux être empotée quand tu t’y mets !
– C’est surtout qu’elle renâcle. Quand je vous dis que vous n’en tirerez jamais rien.
– Eh bien ! Trousse-toi ! Tu vois bien que tu fais attendre Madame la comtesse. Elle n’a pas que ça à faire… Plus haut ! Encore ! Encore, j’te dis ! Là… Vous voyez ? Reconnaissez que nous avons eu à cœur de lui infliger une correction exemplaire.
– Qui aurait pu l’être davantage, me semble-t-il, eu égard à son inqualifiable comportement.
– Si Madame la comtesse estime…
– J’estime, en effet…
– Dix coups ?
– Disons quinze. Sévèrement appliqués.
– Comme Madame la comtesse voudra…

– Ça t’a plu aujourd’hui ?
– Oh, oui ! Et à elle aussi, on aurait dit, hein ?
– Aucun doute là-dessus.
– Plus que d’habitude ?
– Au moins tout autant.
– Elle se doute pas au moins que j’aime ça ?
– Absolument pas.
– Non, parce que ça gâcherait tout.
– Elle se doute pas, sois tranquille !
– Comment vous avez tapé fort, n’empêche…
– Trop ?
– Oh, non, non ! Elles vont rester longtemps, comme ça, les marques. Et je pourrai les regarder dans la glace. J’adore…
– Je sais.
– On recommencera, hein !
– Bien sûr qu’on recommencera.
– Bientôt ?
– Très bientôt.
– Et ce coup-là, je la traiterai de vieille peau. Vous croyez que ça ira « Vieille peau » ?
– Ce sera parfait.

8 commentaires:

  1. Rire, vous auriez presque pu terminer votre histoire par la morale de la fable Le rat et l'huître de Jean de la Fontaine :
    Cette fable contient plus d'un enseignement.
    Nous y voyons premièrement :
    Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
    Sont aux moindres objets frappés d'étonnement :
    Et puis nous y pouvons apprendre,
    Que tel est pris qui croyait prendre.

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  2. Est-ce que le "bonheur" de cette jeune plaisir provient davantage du plaisir de recevoir des coups ou de l'idée qu'elle tire toutes les ficelles?

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    1. Les deux mon Capitaine !

      Nous le savons bien, nous, les demoiselles qui adorons être fessées, que c'est nous qui menons la barque dont Monsieur (ou Madame dans le cas présent) n'est qu'un passager averti des dangers de passage par dessus bord en cas de non respect des règles...

      Que c'est à nous, en premier lieu, de déployer tous les efforts par nos effronteries et autres insolences pour mériter notre récompense !

      Ces Messieurs, s'ils ne versent pas trop dans le BDSM au point de se prendre au sérieux, ne sont d'ailleurs pas dupes.

      Le savoureux et l'originalité de la situation que vous narrez est que Madame la comtesse, elle, semble l'ignorer. Seule sa main armée, la gouvernante, est dans le secret, rendant les deux employées complices de manipulation. Cette dernière en paiera-t-elle le prix ?

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    2. Qui manipule qui? C'est toujours un peu l'éternelle question.
      Tant de paramètres qui se mêlent et s'entremêlent pour donner naissance au plaisir. Tant de liens noués avec la façon dont sa perception s'est construite. Dont on s'est "accoutumé" à le faire surgir.
      Quelle gratification intime la gouvernante retire-t-elle de cette situation? On peut, bien évidemment, envisager toutes sortes d'hypothèses. Au lecteur de privilégier celle qui lui convient.

      Le secret de cette collusion manipulatrice sera-t-il découvert? On peut en effet l'imaginer. Une imprudence. Un imprévu qui fait brusquement découvrir le pot-aux-roses. À moins que cette jeune personne ne vende sciemment la mèche, désireuse de voir les foudres de Madame la comtesse s'abattre, à son tour, sur la gouvernante.

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  3. Moi aussi. Je ris. Pour répondre à votre question, je dirais "les deux, mon capitaine".

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    1. Tant d'échos qui se répercutent à l'infini et qui se nourrissent les uns des autres.

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  4. Rien ne pèse tant qu’un secret
    Le porter loin est difficile aux dames...

    Donc, s’il faut croire à La Fontaine... Peut-être que “la vieille peau” est déjà au courant xDD

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    1. Ce qui serait un comble. Mais après tout, ce n'est pas impossible. Comme quoi toutes sortes de possibilités sont offertes.

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