Dessin
de Georges Topfer.
On
est tranquilles dans notre réduit là-haut, Cordelia et moi.
Personne n’y monte jamais. Tant et si bien que, quand l’envie
nous en prend, on peut s’offrir une petite gratouille sous le
bureau. En face à face. Chacune pour soi. Histoire de couper un peu
la journée de travail. Des fois on parle. On se raconte des trucs
pour s’émoustiller. Et d’autres fois, non. Ça dépend. Sauf que
là, on a failli se faire gauler. Et en beauté ! On s’était
organisé un petit concours, toutes les deux, la main dans la
culotte. Un concours à qui arriverait à se retenir le plus
longtemps de jouir.
– Ce
sera moi !
– Dans
tes rêves, oui.
On
se quittait pas des yeux. Il y avait le feu dans les siens. Un feu
sombre. Ardent. Je crevais d’envie de l’imaginer en train de me
flanquer une magistrale fessée, mais je m’en empêchais de toutes
mes forces parce que je savais que ça irait beaucoup trop vite
sinon. Et que je perdrais. N’empêche que ça approchait quand
même. À toute allure. Elle aussi, je le voyais bien. Et c’est
juste à ce moment-là que Séverine, notre chef, s’est pointée à
la porte du bureau. On ne l’avait pas entendue arriver. Ni l’une
ni l’autre. On s’est ressaisies. Le plus vite qu’on a pu. Elle
ne s’est rendu compte de rien. Ou elle a fait semblant. Elle nous a
tendu un dossier.
– Vous
vous occupez de ça tout de suite. C’est urgent.
Et
elle est repartie.
On a
éclaté d’un gigantesque fou rire.
Mais
le soir, après, dans mon lit, ça se passe pas comme ça. Pas du
tout.
Elle
nous dévisage, l’une après l’autre, incrédule.
– Non,
mais je rêve, là ! Je rêve. Qu’est-ce vous êtes en train
de faire ?
– Rien.
– Non,
rien.
– Prenez-moi
bien pour une imbécile ! En plus ! Oh, mais alors là, ça
va pas se passer comme ça, faites-moi confiance ! Parce que,
que vous vous amusiez avec ce que la nature a généreusement mis à
votre disposition, j’en ai strictement rien à foutre, mais pas
pendant les heures de travail…
Et
elle s’en va, furibonde. Son pas claque furieusement dans le
couloir. Elle revient, presque aussitôt. Avec deux fouets.
– Debout !
On
se regarde, Cordelia et moi. On hésite.
– C’est
ça ou le licenciement immédiat. Pour faute grave. À vous de voir…
On
se lève.
– À
poil !
On
hésite encore.
Et
vite !
On
soupire, mais on obtempère.
Elle
nous tend les fouets. Un chacune.
– À
mon tour de m’amuser. Allez-y ! Tapez ! Et faites pas
semblant…
C’est
Cordelia qui lance le premier coup. Il me lèche l’épaule. Pas
bien fort. Je lui rends la pareille. À son tour. Encore à moi.
Encore à elle. Une dizaine de fois.
– Aïe !
Oh, la vache !
Celui-là,
elle l’a lâché plus fort. Beaucoup plus fort. Peut-être pas
exprès, mais n’empêche… Ma réponse ne se fait pas attendre. Je
cingle un grand coup. D’instinct. Sous l’effet de la surprise. Et
de la douleur.
– Garce !
Et
ça me tombe à plein derrière. Avec une force inouïe.
Oh,
alors là ! Alors là ! Et ça s’emballe. Ça dégringole.
On claque. On cingle. L’une comme l’autre. Partout. Les seins. Le
dos. Les fesses. Les cuisses. Ah, pour y aller, on y va !
La
chef regarde. Elle savoure, ravie. Elle murmure.
– Plus
fort ! Encore plus fort !
Comment
c’est bon ! C’est trop bon.
J’aime
ce qu’il y a dans ses yeux à ce moment-là.
Ha, l'imagination...
RépondreSupprimerElle permet tant de choses. En secret avec soi-même.
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