lundi 1 avril 2019

Amélie (2)



Il en a reparlé, ma cousine. Il en a reparlé ! Et pas seulement… Il me l’a fait. D’hier soir ça date. C’est encore tout chaud. Si j’ose dire… C’est même brûlant. Bon, mais reprenons ! Dans l’ordre. Donc, il est revenu sur le sujet. Mercredi, tandis qu’on s’octroyait une petite pause. Sur un ton détaché. Sans avoir l’air d’y toucher.
– Et pour ce qu’on disait l’autre jour ?
 J’ai joué les innocentes.
– Ce qu’on disait l’autre jour ?
– Oui ? Ça vous pose un problème ?
J’ai fait mine de brusquement réaliser.
Ah ! Oh, non ! Je savais pas en fait. J’y avais pas vraiment réfléchi.
– Si ce qui vous inquiète, c’est qu’on puisse vous reconnaître dans cette situation un peu… particulière, je vous rassure tout de suite : on ne vous verra que de dos.
De dos. Oui. Bien sûr. Évidemment. De dos.
– Alors?
Il attendait une réponse.
– J’aurai mal ?
Je ne pouvais pas ne pas poser la question. Au moins pour la forme.
– Un peu. Faut être honnête. Mais ce sera tout-à-fait supportable.
Et le tableau ? Il représenterait quoi exactement le tableau ? Il s’est brusquement animé. Le tableau ? Il s’est mis à marcher de long en large. Le tableau ? J’y serais nue, les fesses rougies, devant une toile posée sur un chevalet. Une toile qui représenterait une femme allongée, nue elle aussi. L’œuvre serait presque terminée. Il s’en faudrait de peu. De très très peu. Dans ma main, il y aurait un pinceau. Un pinceau dont j’avais l’intention de me servir pour me venger en sabotant l’œuvre en cours.
– Me venger ? Mais de quoi ?
 – Ah, ça ! Du peintre ? Du modèle ? Des deux ? À chacun de se faire sa petite idée. Et d’imaginer les raisons pour lesquelles vous aurez été gratifiée auparavant d’une aussi jolie fessée.
J’ai voulu y aller de ma petite interprétation.
– C’est parce que…
Il m’a tout de suite arrêtée.
– Ah, non ! Non ! Ne m’influencez pas ! Ni dans un sens ni dans un autre. Tout doit rester ouvert.
En tout cas, elle me plaisait bien son idée. Beaucoup.
Il s’est jeté sur l’occasion.
– Eh bien, allez alors ! Il faut battre le fer tant qu’il est chaud.

Et, dans la minute qui a suivi, je me suis retrouvée couchée en travers de ses genoux, les fesses à l'air. Il s’est montré un peu hésitant au début. Juste quelques tapes, du bout des doigts.
– Ça va ?
Mais oui, ça allait, oui. Il a tapé un peu plus fort.
– Et là ?
– Aussi. Je suis pas en sucre, vous savez !
Et alors c’est tombé. Tout son cœur il y a mis. En grandes claques qui me rebondissaient tant et plus sur le derrière. C’était douloureux. De plus en plus douloureux. D’abord, parce qu’il y prenait goût, je le sentais bien et que, du coup, il tapait de plus en plus fort, mais aussi parce qu’à force de retomber là où c’était déjà tombé, où c’était déjà tout rouge, tout tuméfié et tout brûlant, c’était complètement insupportable. Insupportable, mais, en même temps, extraordinairement agréable. C'était fabuleux ce que je ressentais. Je hurlais, je pleurais, je me débattais et pourtant je priais, au-dedans de moi-même, pour qu’il continue, pour qu’il s’arrête pas. Ce qu’il a malheureusement pourtant fini par faire. Il a longuement contemplé son œuvre.
– Génial ! C’est exactement le rouge incandescent que je voulais obtenir.
Il m’a lancé une dernière petite claque sur la fesse droite.
– En tout cas, vous avez été très courageuse.

Il a passé la journée à me peindre comme un forcené. Et moi, j’étais aux anges. Parce que ce que tu éprouves, après, c’est presque encore mieux que ce que tu ressens pendant. T’as toute une chaleur qui se répand partout, qui irradie dans tous les sens. C’est comme si elle était rentrée tout au-dedans de toi, ta fessée. Tu es bien, tellement bien. Et pleine de gratitude pour celui à qui tu dois cet état de béatitude.

Le soir venu, il a fait la moue. Je me suis inquiétée.
– Quelque chose qui ne va pas ?
– Si ! Si ! Seulement demain matin déjà votre peau aura travaillé. Les couleurs n’y seront plus les mêmes.
– Et il faudra recommencer ?
Je l’ai dit sur un tel ton enthousiaste qu’il a éclaté de rire.
– L’expérience ne vous a pas déplu, on dirait.
J’ai soutenu son regard, mais un peu rougi quand même.

Et donc, ma cousine, je vais te laisser là. Parce que je l’entends bouger à côté. Et qu’il va m’en remettre une. Par-dessus celle d’hier. J’ai hâte. Non, mais si tu savais comment j’ai hâte !

Je t’embrasse.

AMÉLIE

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