Dessin de Georges Topfer
Ce
couvent de la femme masquée* qui, soit dit en passant, n’est
toujours pas vendu, me fascine littéralement. Je m’y rends
souvent. J’en fais le tour. Je m’imprègne d’un climat. D’une
atmosphère. C’est paisible. C’est serein. C’est encore habité
par les générations de pensionnaires et de religieuses qui s’y
sont succédé. On en ressent encore physiquement la présence.
Je
suis avec elles. Parmi elles. J’ai mené, deux ans durant, une vie
tellement tapageuse, collectionnant allègrement les amants,
provoquant scandale sur scandale, duel sur duel, que mon mari a fini,
en désespoir de cause, par m’expédier au couvent.
– Pour
vous y faire oublier, Madame, et y calmer quelque peu vos ardeurs.
Calmer
mes ardeurs ? Oui, ben ça, c’est pas gagné. Il me faut ma
dose. Quotidienne. Et, à défaut de mâles fougueux et bien montés,
je me débrouille avec les moyens du bord. Mes doigts. Le manche de
ma brosse à cheveux. Et un morceau de pied de chaise bien arrondi,
bien poli avec lequel j’ai fini par me lier d’une profonde
amitié.
La
Mère Supérieure m’avait pourtant mise, dès mon arrivée, en
garde.
– Vous
êtes ici pour expier vos fautes, ma fille, et pour vous guérir de
vos très mauvaises habitudes.
S’en
était suivi tout un discours sur la sensualité qui, si on ne
l’étouffe dans l’œuf, vous conduit tout droit en enfer.
Son
baratin lénifiant, je m’en fiche et contrefiche. J’ai des
besoins. Je les satisfais. Et j’y vais de bon cœur. Point barre.
Tellement
de bon de cœur que je laisse systématiquement échapper plaintes et
gémissements. Je les étouffe de mon mieux dans l’oreiller.
Pas
suffisamment sans doute. Parce qu’un matin elles surgissent dans ma
cellule. Elles sont deux. Elles la retournent de fond en comble. Et
finissent par découvrir, dissimulé sous mon matelas, le fidèle
compagnon de mes nuits solitaires.
– Et
ça ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
Ça ?
Ben…
– On
va t’en faire passer l’envie, ma petite !
Elles
m’empoignent. Elles me dénudent.
J’ai
beau protester, supplier, jurer mes grands dieux que je ne
recommencerai pas, elles n’en tiennent aucun compte. Elles
m’obligent à me pencher en avant. Il y en a une qui me maintient.
Solidement. Tandis que l’autre me cingle. À tout va. Ça mord. Ça
brûle. Mais c’est bon. C’est tellement bon ! Je crie grâce.
Elle n’en tient aucun compte. Les coups redoublent. Elle tape plus
vite. Plus fort. J’en étais sûre.
Elle
cesse.
– On
te laisse réfléchir.
La
porte de ma cellule claque. Elles m’y enferment à double tour.
Et
je me donne un plaisir fou. Aussitôt. À même le sol de terre
battue.
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