samedi 13 avril 2019

Les fantasmes de Lucie (47)



Dessin de Georges Topfer

Ce couvent de la femme masquée* qui, soit dit en passant, n’est toujours pas vendu, me fascine littéralement. Je m’y rends souvent. J’en fais le tour. Je m’imprègne d’un climat. D’une atmosphère. C’est paisible. C’est serein. C’est encore habité par les générations de pensionnaires et de religieuses qui s’y sont succédé. On en ressent encore physiquement la présence.

Je suis avec elles. Parmi elles. J’ai mené, deux ans durant, une vie tellement tapageuse, collectionnant allègrement les amants, provoquant scandale sur scandale, duel sur duel, que mon mari a fini, en désespoir de cause, par m’expédier au couvent.
– Pour vous y faire oublier, Madame, et y calmer quelque peu vos ardeurs.

Calmer mes ardeurs ? Oui, ben ça, c’est pas gagné. Il me faut ma dose. Quotidienne. Et, à défaut de mâles fougueux et bien montés, je me débrouille avec les moyens du bord. Mes doigts. Le manche de ma brosse à cheveux. Et un morceau de pied de chaise bien arrondi, bien poli avec lequel j’ai fini par me lier d’une profonde amitié.
La Mère Supérieure m’avait pourtant mise, dès mon arrivée, en garde.
– Vous êtes ici pour expier vos fautes, ma fille, et pour vous guérir de vos très mauvaises habitudes.
S’en était suivi tout un discours sur la sensualité qui, si on ne l’étouffe dans l’œuf, vous conduit tout droit en enfer.
Son baratin lénifiant, je m’en fiche et contrefiche. J’ai des besoins. Je les satisfais. Et j’y vais de bon cœur. Point barre.
Tellement de bon de cœur que je laisse systématiquement échapper plaintes et gémissements. Je les étouffe de mon mieux dans l’oreiller.
Pas suffisamment sans doute. Parce qu’un matin elles surgissent dans ma cellule. Elles sont deux. Elles la retournent de fond en comble. Et finissent par découvrir, dissimulé sous mon matelas, le fidèle compagnon de mes nuits solitaires.
– Et ça ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
Ça ? Ben…
– On va t’en faire passer l’envie, ma petite !
Elles m’empoignent. Elles me dénudent.
J’ai beau protester, supplier, jurer mes grands dieux que je ne recommencerai pas, elles n’en tiennent aucun compte. Elles m’obligent à me pencher en avant. Il y en a une qui me maintient. Solidement. Tandis que l’autre me cingle. À tout va. Ça mord. Ça brûle. Mais c’est bon. C’est tellement bon ! Je crie grâce. Elle n’en tient aucun compte. Les coups redoublent. Elle tape plus vite. Plus fort. J’en étais sûre.
Elle cesse.
– On te laisse réfléchir.
La porte de ma cellule claque. Elles m’y enferment à double tour.
Et je me donne un plaisir fou. Aussitôt. À même le sol de terre battue.

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