Tableau de Jean Béraud (Café Gloppe)
Je
ne sais jamais à l’avance quand ce sera. Il peut ne s’écouler
que deux jours. Ou une semaine. Ou un mois. Ou davantage. C’est
totalement imprévisible.
Mais
ça finit toujours par arriver.
– Une
petite fessée, ça te dirait ?
Si
ça me dit !
Et
je me précipite. Je parcours au plus vite les cinq cents kilomètres
qui me séparent d’elle.
Le
temps de m’installer et…
– Viens !
On
sort. On erre par les rues. Longtemps. On longe des cafés. Devant
chacun d’eux un délicieux sentiment d’appréhension m’étreint.
Qui grandit au fur et à mesure que se prolonge notre promenade. Qui
se fait, peu à peu, grisante angoisse.
Elle
se décide d’un coup.
– Ici !
On
entre. On s’installe à une petite table à l’écart. Pas trop.
Et on parle. De choses et d’autres. Tout en passant discrètement
les autres consommateurs en revue.
Elle
hausse la voix. D’un coup. Sans que rien le laisse présager.
– Je
t’avais prévenue, Alice. Je t’avais pas prévenue ?
Les
conversations, autour de nous, s’arrêtent.
– Mais
si, mais…
Tous
les regards convergent dans notre direction.
– Eh
bien alors !
Je
rougis. Je baisse la tête.
Elle
est furieuse. Hors d’elle.
– J’en
ai assez. Plus qu’assez. Par-dessus la tête. Comment faut te le
dire ? Hein ? Comment ? Oh, mais cette fois, ça
suffit. Ça suffit vraiment. Je vais t’en mettre du plomb dans la
cervelle, moi, ma petite ! Je vais t’en mettre, tu vas voir !
Une gamine… Une vraie gamine… Une bonne fessée… C’est tout
ce que tu mérites. Et tu vas l’avoir ! Je peux te dire que tu
vas l’avoir… Et que tu vas t’en souvenir…
Elle
se lève.
– T’as
compris ? Eh bien alors ! Qu’est-ce que t’attends ?
Viens ! Dépêche-toi !
Je
me dépêche, oui. Je la suis. Laminée par la honte. Le visage en
feu. Peu s’en faut que, dans ma précipitation, je ne fasse tomber
ma chaise. Derrière nous, on s’esclaffe bruyamment. Quelqu’un un
homme, demande : « Tu crois qu’elle va vraiment s’en
prendre une ? » « Ça m’en a tout l’air, oui.
Elle plaisantait pas, la bonne femme, on aurait dit. » Il y a
encore des rires. Des mots que je ne comprends pas. Et des rires.
Tant de rires.
– Tu
as aimé ?
Sans
me regarder.
– Beaucoup,
oui.
– Tu
mouilles ? Eh bien, réponds !
– Je
mouille.
– Tu
vas être punie pour ça !
Je
suis punie. Aussitôt. À peine rentrées.
– Déshabille-toi !
À poil !
J’obéis.
Elle me regarde faire, un petit sourire aux lèvres.
– Et
à genoux !
Elle
cingle, méthodiquement, au martinet, en espaçant ses coups de façon
totalement aléatoire. Je me crispe en les attendant. En les
appréhendant. En les espérant. C’est long. C’est interminable.
Mais c’est bon. C’est tellement bon.
Je
tombe sur les avant-bras, croupe tendue, offerte. Elle sait que,
quand c’est comme ça, je ne suis plus loin. Elle précipite le
rythme des coups. Elle les rend plus durs, plus incisifs. Et je
jouis. Je déferle. Intensément.
– Merci.
Oh, merci.
– Tu
te rhabilles ? Qu’on y aille…
– Qu’on
aille où ?
– Ben,
au café de tout-à-l’heure…
– Tu
vas pas…
– Y
faire allusion à la punition que je viens de te donner ? Bien
sûr que si !
– Mais…
– Tu
vas avoir honte ? Évidemment que tu vas avoir honte. Je vais
tout faire pour. Et tu vas adorer. Non ?
Je
baisse la tête.
– Si !
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