Il a attendu qu’ils se soient engagés dans l’allée forestière,
juste après le carrefour du tremble.
– C’est
fait, Mademoiselle.
– Qu’est-ce
qui est fait, Sylvain ?
Elle
le sait. Évidemment qu’elle le sait. Mais elle demande malgré
tout.
– Qu’est-ce
qui est fait ?
– Edmond,
le vétérinaire, il ne devrait plus revenir. Il ne reviendra plus.
– Merci,
Sylvain.
Ils
s’enfoncent sous les hêtres.
– Madame
ne regrette pas trop ?
Elle
fait signe que non. De la tête. Non.
– Et
maintenant ?
Elle
lève sur lui un long regard interrogateur.
– Monsieur
Pierre ne satisfait pas Madame. Il s’en faut de beaucoup.
Elle
baisse les yeux, fixe quelque chose au loin, très loin, devant elle.
– Et
Madame a des besoins. De gros besoins. Qu’il lui faut
impérativement satisfaire.
Elle
ne proteste pas. Elle continue à contempler les lointains.
– Avec,
de préférence, de fringants jeunes gens, pleins de sève et de
vigueur.
Une
branche basse lui cingle le visage. Des gouttes lui ruissellent dans
le cou.
– Seulement,
que Madame songe à l’épouvantable situation dans laquelle elle se
trouverait si, d’aventure, il revenait aux oreilles de monsieur
Pierre qu’elle a un amant ou, pire, qu’elle les collectionne.
Elle
frissonne. C’est une éventualité à laquelle elle ne veut pas
songer. Qu’elle ne veut même pas envisager.
Il
poursuit, imperturbable.
– Ce
n’est malheureusement pas exclu. Parce que les gens parlent. Parce
qu’ils se surveillent les uns les autres. Parce qu’ils se
délectent du moindre ragot. De la moindre rumeur. Et parce qu’ils
se réjouissent de voir leur prochain traîné dans la boue. Surtout
si ce prochain est une femme.
Il
saisit les rênes de Flamboyant. La force à s’arrêter.
– Je
conjure Mademoiselle de ne pas se mettre en danger.
Il
cherche ses yeux. Elle finit par les lui donner.
– Si
je puis me permettre…
Il
hésite. Se décide.
– J’ai
fouetté Mademoiselle.
Un
tremblement la parcourt toute.
– Et,
pour autant que j’aie pu en juger, elle y a pris du plaisir.
Beaucoup de plaisir. Presque autant que dans les bras de Gontran. Ou
ceux d’Edmond.
– Non.
Davantage.
Cela
lui échappe. Cela lui a échappé. Elle rougit.
Il
la prend dans son regard. Il l’y garde.
– Je
sais.
Il
lâche ses rênes. Ils font demi-tour.
Ils
sont dans la grange. Il ne dit rien. Elle ne dit rien.
Elle
se déshabille. Tout. Elle enlève tout.
Elle
s’agenouille. Et elle attend. La cravache siffle, s’abat. Sur son
dos. Sur ses fesses. Sur ses cuisses. La zèbre, la mord, la brûle.
Elle
se tend vers elle. Elle s’offre à elle. Elle lui ouvre ses jambes.
Qu’elle puisse s’y engouffrer.
Et
son plaisir monte. Son plaisir surgit, la submerge.
Elle
le proclame. Sans la moindre pudeur.
Elle
se relève.
– Merci,
Sylvain.
Elle
n’aura plus besoin de Gontran, d’Edmond ou de qui que ce soit
d’autre.
FIN
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