lundi 22 avril 2019

Défilé militaire



Tableau d’Horace de Callias

Il avait fière allure, ce défilé sur lequel je braquais mes jumelles. Il avait vraiment fière allure. Musique. Chevaux. Soldats marchant au pas dans des uniformes impeccables auxquels ne manquait pas le moindre bouton de guêtres. Et Dieu sait s’il y en avait des soldats ! Parce que quantité de régiments avaient envoyé une délégation. Les hussards. Le génie. La légion. Les chasseurs alpins. D’autres encore. Tant d’autres…

Je l’ai débusquée par hasard. En relevant machinalement mes jumelles sur la façade d’en face, de l’autre côté de la rue. Une femme. Au cinquième étage. Une femme, dissimulée, entièrement nue, dans les replis de ses rideaux de mousseline dont elle relevait légèrement le bord, d’une main, pour ne rien perdre du spectacle. L’autre était refermée sur une éponge de bain. Sans doute s’était-elle précipitée, toutes affaires cessantes, hors de sa salle d’eau, lorsqu’elle les avait entendus approcher. Elle était, à l’évidence, tout entière absorbée dans sa contemplation. Plus rien d’autre ne revêtait pour elle d’importance. Tellement peu d’importance que plus les minutes s’égrenaient et plus le rideau se soulevait. Et plus elle m’offrait, sans en avoir vraisemblablement conscience, une vue imprenable sur ses charmes. Sur son regard embrumé. Sur ses seins menus. Sur son encoche joliment ombrée.

Elle a lâché l’éponge. Qui est tombée. Qu’elle n’a pas ramassée. Elle s’est effleurée de sa main en bas. A renoncé. Manifestement à regret. Elle s’est passé, à plusieurs reprises, la langue sur les lèvres. A nerveusement rejeté la tête en arrière. Et puis sa main est revenue en bas, sur son encoche, s’y est un peu attardée, y a esquissé deux ou trois mouvements, s’est précipitamment retirée.

Les derniers soldats. Elle s’est penchée pour les voir. Jusqu’au bout. Elle a laissé retomber le rideau, s’est retournée. Dans le même mouvement. Et j’ai vu. J’ai eu le temps de voir. D’apercevoir brièvement, trop brièvement, deux fesses incandescentes qui venaient manifestement d’être récemment gratifiées d’une fessée pour le moins énergique.

Voilà. C’était fini. Pour elle comme pour moi. Fini ? Je me suis bien juré que non.

(à suivre)

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