Sylvain
chevauche à ses côtés. Comme tous les matins. Comme toujours.
Une
légère brume déroule paresseusement ses volutes sur les prés
qu’ils longent. De temps à autre, un chevreuil caracole dans les
lointains.
– Pendant
la Commune…
Qu’il
a vécue, tout jeune homme, à Paris. Jadis les récits de Sylvain la
terrorisaient, mais elle ne pouvait s’empêcher de les lui
réclamer, malgré tout, encore et encore. Les rats dont les
parisiens étaient alors contraints de se nourrir. Les barricades. La
fumée. L’odeur de la poudre. Le mur des Fédérés. Depuis bien
longtemps maintenant elle ne l’écoute plus. Elle le laisse égrener
interminablement ses souvenirs qu’elle ponctue, de temps à autre,
d’un hochement de tête ou d’un « oui » distrait.
– On
avait cru… Mais non, c’était les Versaillais.
Il
parle. Il parle sans discontinuer. Et elle, elle est là-bas. Avec
Gontran. Gontran ! La chaleur de son corps. Ses yeux tout
embrumés d’elle. Sa vigueur. Son ardeur. Ses cuisses enserrent
plus fort Flamboyant. Folie ! Si Pierre apprenait… Pierre ou
d’autres. Les femmes de la société de bienfaisance. Par exemple.
Ou celles de la chorale de la paroisse. Elle en mourrait de honte.
Non. C’est un risque qu’elle ne peut pas, qu’elle ne veut pas
courir. Elle n’ira pas. C’est décidé, elle n’ira plus. Quoi
qu’il doive lui en coûter…
Il a
déjà disparu dans l’écurie avec Flamboyant quand elle le
rappelle.
– Vous
attellerez tout-à-l’heure, Sylvain…
– Comme
hier ?
– Comme
hier.
– Bien,
Mademoiselle…
Il
prend, de lui-même, la direction de la place Clichy.
De
toute façon, elle n’avait pas le choix. Elle devait revoir
Gontran. Une dernière fois. À cause des lettres. Il ne faut pas
qu’il lui écrive. Il ne faut plus. En aucun cas. À elle
de se montrer suffisamment persuasive pour qu’il renonce
tout-à-fait à l’idée de lui en adresser. À tout jamais.
Ils
sont arrivés. Elle descend.
– J’en
ai pour cinq minutes.
Sylvain
ne dit rien, mais il esquisse un imperceptible semblant de petit
sourire.
Et
elle est dans ses bras.
Et
plus rien d’autre ne compte. Que ses baisers. Que ses caresses. Que
ses mains qui s’emparent d’elle. Que sa queue. Qu’elle veut.
Qu’elle s’approprie. Sur laquelle elle vient s’empaler avec
délectation. Toute honte bue. Toute pudeur dépouillée.
Elle
repose contre lui, apaisée.
Il
joue avec la pointe de ses seins.
– Cette
tornade aujourd’hui !
Elle
lui met un doigt sur les lèvres.
– Chut !
Ils
sont bien. Elle est bien. Il faut pourtant qu’elle lui dise.
– Gontran…
– Oui ?
Il
se penche sur elle.
– Non.
Rien.
Elle
l’entoure de ses bras, l’attire contre elle. Son désir se dresse
contre son ventre.
En
bas, Sylvain lui ouvre la portière. Sans un mot.
Il
est six heures.
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