jeudi 15 novembre 2018

Les fessées de Blanche (2)


Sylvain chevauche à ses côtés. Comme tous les matins. Comme toujours.
Une légère brume déroule paresseusement ses volutes sur les prés qu’ils longent. De temps à autre, un chevreuil caracole dans les lointains.
– Pendant la Commune…
Qu’il a vécue, tout jeune homme, à Paris. Jadis les récits de Sylvain la terrorisaient, mais elle ne pouvait s’empêcher de les lui réclamer, malgré tout, encore et encore. Les rats dont les parisiens étaient alors contraints de se nourrir. Les barricades. La fumée. L’odeur de la poudre. Le mur des Fédérés. Depuis bien longtemps maintenant elle ne l’écoute plus. Elle le laisse égrener interminablement ses souvenirs qu’elle ponctue, de temps à autre, d’un hochement de tête ou d’un « oui » distrait.
– On avait cru… Mais non, c’était les Versaillais.
Il parle. Il parle sans discontinuer. Et elle, elle est là-bas. Avec Gontran. Gontran ! La chaleur de son corps. Ses yeux tout embrumés d’elle. Sa vigueur. Son ardeur. Ses cuisses enserrent plus fort Flamboyant. Folie ! Si Pierre apprenait… Pierre ou d’autres. Les femmes de la société de bienfaisance. Par exemple. Ou celles de la chorale de la paroisse. Elle en mourrait de honte. Non. C’est un risque qu’elle ne peut pas, qu’elle ne veut pas courir. Elle n’ira pas. C’est décidé, elle n’ira plus. Quoi qu’il doive lui en coûter…

Il a déjà disparu dans l’écurie avec Flamboyant quand elle le rappelle.
– Vous attellerez tout-à-l’heure, Sylvain…
– Comme hier ?
– Comme hier.
– Bien, Mademoiselle…

Il prend, de lui-même, la direction de la place Clichy.
De toute façon, elle n’avait pas le choix. Elle devait revoir Gontran. Une dernière fois. À cause des lettres. Il ne faut pas qu’il lui écrive. Il ne faut plus. En aucun cas. À elle de se montrer suffisamment persuasive pour qu’il renonce tout-à-fait à l’idée de lui en adresser. À tout jamais.
Ils sont arrivés. Elle descend.
– J’en ai pour cinq minutes.
Sylvain ne dit rien, mais il esquisse un imperceptible semblant de petit sourire.

Et elle est dans ses bras.
Et plus rien d’autre ne compte. Que ses baisers. Que ses caresses. Que ses mains qui s’emparent d’elle. Que sa queue. Qu’elle veut. Qu’elle s’approprie. Sur laquelle elle vient s’empaler avec délectation. Toute honte bue. Toute pudeur dépouillée.

Elle repose contre lui, apaisée.
Il joue avec la pointe de ses seins.
– Cette tornade aujourd’hui !
Elle lui met un doigt sur les lèvres.
– Chut !
Ils sont bien. Elle est bien. Il faut pourtant qu’elle lui dise.
– Gontran…
– Oui ?
Il se penche sur elle.
– Non. Rien.
Elle l’entoure de ses bras, l’attire contre elle. Son désir se dresse contre son ventre.

En bas, Sylvain lui ouvre la portière. Sans un mot.
Il est six heures.

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