Dessin
de Louis Malteste
J’attends.
Vingt-quatre heures. Ou quarante-huit. Ou trois jours. Ou trois mois.
Ou six. Un temps infini, de toute façon. J’attends. Et il appelle.
Il finit toujours par appeler. J’accours. Aussitôt. Il n’est pas
là. Il n’est jamais là. Mais je sais très exactement ce que je
dois faire. Immuablement. J’escalade le cheval d’arçon. Je m’y
installe, mes fesses dénudées pointant en l’air. Offerte.
Obscène. Et j’attends. J’attends encore. Le temps qu’il veut.
Le temps qu’il a décidé. Très long. Ou très court au contraire.
C’est selon.
Quand
il arrive, il ne s’occupe pas de moi. Il va, il vient. Il
s’affaire. Il m’ignore. Je n’ai pas le droit de tourner la
tête. De regarder derrière moi. Interdiction absolue. Ça dure une
éternité. Il s’approche enfin. Il s’éloigne. Il y a, près de
la porte, des bruits de pas qui ne sont pas les siens. Des toux
discrètes. Masculines. Féminines. Il revient. Il repart. Il
recommence. Encore et encore. Je me crispe. Je me détends. Je me
recrispe. Et ça tombe. Ça finit toujours par tomber. Une cinglée
sèche. Qui mord. Qui m’arrache un cri. Derrière, il y a des
chuchotements. Un rire. Encore une toux. Cinq ou six coups lâchés à
toute volée. Qui font mal. Je crie. Je crie sans la moindre retenue.
Il retourne là-bas avec eux. Il mêle sa voix aux leurs. Et il
revient vers moi. À moi.
– Compte !
Compte les coups ! Je veux que tu les comptes.
– Un !
Aïe ! Deux ! Hou là là! Trois ! Hou là là là
là ! Quatre !
Il
s’arrête. Me passe les mains entre les cuisses. Fouille. Il est en
terrain conquis. Il constate tranquillement.
– Tu
mouilles !
Et à
l’adresse des autres, là-bas, derrière.
– Elle
mouille ! Il y en a plus pour longtemps.
Il
m’achève. À coups très lents. Réguliers. Fermement appliqués.
Je hurle. De douleur. De plaisir. Que c’est bon ! Comment
c’est bon ! Je jouis. Ça m’emporte. Ça me transporte. Ça
me fulgure. J’ai joui.
Je
retombe, épuisée.
– Au
coin ! Mains sur la tête !
J’obéis.
Sans me retourner. Je n’en ai pas le droit. Il y a encore des voix.
Des rires. Des chuchotements. La porte s’ouvre. Se referme. Le
silence.
J’en
crève d’envie. Je ne peux pas m’empêcher. Je me lance.
– C’était
qui ?
Il
s’approche. Me donne une petite tape sur la nuque.
– C’est
pas beau de faire sa curieuse.
Une
autre sur les fesses.
– Tu
veux vraiment savoir ?
Je
veux vraiment savoir, oui.
– Ce
sont des gens.
– Que
je connais ?
– Peut-être.
Et peut-être même très bien. Des collègues de travail. Des
commerçants. Des voisins.
Mon
cœur s’affole. Me cogne dans les tempes.
– Peut-être.
Et puis peut-être pas. Peut-être que tu ne les connais pas du tout.
Qu’ils font des centaines de kilomètres pour le plaisir de voir
ton petit derrière s’illuminer sous les coups et de t’entendre
clamer ta jouissance.
Je
me rassure un peu.
– Ou
bien peut-être que c’est pas ça du tout non plus. Qu’il n’y a
absolument personne. Que c’est juste une mise une scène.
Enregistrée pour les besoins de la cause.
Il
m’attrape par le bras, me fait me retourner.
– Alors ?
À ton avis, quelle option est la bonne ?
Je…
Je ne sais pas. Comment il veut que je sache ?
– Rhabille-toi !
Tu réfléchiras. Et, la prochaine fois, tu me feras part de tes
conclusions.
La
prochaine fois…
– Ce
sera quand ?
– Tu
verras bien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire