lundi 12 novembre 2018

D'une sœur à l'autre…


Dessin de P.Silex

– Tu sors, sœurette ?
– Oui. Enfin, non. Je sais pas. Je me demande. J’hésite. J’ai peur d’être en train de faire une énorme connerie en fait.
– Parce que ?
– Parce que – c’est pas évident à dire – parce que je dois voir quelqu’un.
– Un amoureux ?
– Oh, non ! Non ! Si c’était qu’un amoureux, ça irait… Non, c’est quelqu’un avec qui je parle depuis un bon moment déjà. De plein de choses. Mais là, on doit se voir pour faire un truc.
– Quel truc ?
– Tu vas te moquer.
– Je te jure que non.
– Il doit me donner une fessée. Dans un sens comment ça me tente de savoir ce que ça fait, ce qu’on ressent, tout ça, mais dans un autre ça me flanque une de ces trouilles !
– Fais attention quand même ! Il y a pas mal de tordus.
– Je sais, oui. Oh, mais lui, tu le connais. C’est monsieur Cormier.
– Monsieur Cormier ? Le monsieur Cormier qu’habite la grande maison sur la route de Châlons ? Qu’est prof en fac ?
– Lui-même, oui.
– Oh, ben alors là, tu peux y aller en toute confiance.
– T’es sûre ?
– Certaine. Et en plus tu vas sacrément y trouver ton compte, tu vas voir.
– Comment tu le sais ?
– Je le sais parce que… parce que… confidences pour confidences, j’y suis passée avant toi.
– Tu me l’avais jamais dit !
– Ça s’est pas trouvé.
– Ben, vas-y ! Raconte ! Ça fait quoi ? Qu’est-ce qu’on sent ?
– C’est pas facile à expliquer. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ça fait mal, alors là ! Ça pique. Ça chauffe. Ça brûle. Et plus ça dure, plus c’est pire. T’as l’impression que ça te rentre dedans de plus en plus profond. Mais, en même temps, c’est un mal, comment il te fait du bien ! Et il y a pas que ça ! C’est pas seulement que ça fait mal, c’est aussi que comment t’as honte ! Te retrouver comme ça, les fesses à l’air, en travers des genoux d’un monsieur qui te les claque comme si t’étais une gamine infernale et désobéissante. Tu te sens toute petite. Toute coupable. D’autant que Cormier, il s’y entend pour te mortifier. Pour te dire les mots qui te donnent envie de rentrer dans un trou de souris. Ah, ça, pour avoir honte, tu vas avoir honte ! Mais qu’est-ce que c’est bon, ça aussi ! C’est tellement bon que t’en dégoulines comme c’est pas permis. T’en mets partout. Et là-dessus non plus il te loupe pas. Il t’en remet aussi sec une couche. Et rien que d’y penser, tiens !
– Tu le vois plus ?
– Je suis mariée maintenant. Et je veux pas courir le moindre risque. Parce que s’il apprenait une chose pareille, Edgar, jamais je pourrais rattraper le coup ! Jamais !
– Il serait pas forcé de le savoir…
– Il est chaud-bouillant, Edgar. Tous les jours, il lui faut sa dose. Quand c’est pas plusieurs fois par jour. Alors il s’apercevrait forcément…
– Et ça t’ennuie pas que moi…
– Oh, non, non ! Au contraire ! Tu me raconteras… Bon, mais attends ! Je vais t’aider à choisir quoi te mettre. Je sais ce qu’il aime, Cormier.

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