Sylvain
chevauche silencieusement à ses côtés. De temps à autre, il lui
coule un bref regard de côté.
Les
feuillages commencent à revêtir leurs couleurs d’automne. Deux
petites colonnes de buée s’échappent des naseaux des chevaux.
– Mademoiselle
Blanche…
– Oui,
Sylvain.
– Je
voulais vous dire… Votre équipage, stationné ainsi, des heures
durant, place Clichy…
Elle
se trouble. Elle balbutie.
– J’en
avais pour cinq minutes.
Il
ne répond pas. Il ne la regarde pas. Il sourit aux lointains.
Ses
joues s’empourprent. Il se doute. Non, il ne se doute pas. Il a
compris. Il sait. Et il a raison. Évidemment qu’il a raison. Si
elle retourne là-bas… Si on voit longuement séjourner sa voiture
aux abords de la place… C’est courir des risques insensés. Elle
n’y retournera pas. « Tu n’y retourneras pas ? Bien
sûr que si ! Arrête de te mentir à toi-même ! Tu ne
peux plus te passer de lui. De ses baisers. De sa tendresse. De ses
caresses. Tu l’as dans la peau. »
– Sylvain…
Elle
peut avoir aveuglément confiance en lui. Il l’a vue naître. Il la
connaît depuis toujours. Et il s’est toujours montré, quelles que
soient les circonstances, d’une discrétion absolue. Et puis, même
s’il n’en manifeste rien, s’il reste toujours extrêmement
déférent à son égard, il ne porte pas Pierre dans son cœur. Elle
le sait. Elle le sent. Non. Sylvain, elle n’a rien à craindre. Il
sera de son côté. Quoi qu’il arrive…
– Oui,
Mademoiselle Blanche…
– Vous
ne resterez pas place Clichy. Vous rentrerez. Et vous reviendrez me
chercher. À l’heure que je vous aurai préalablement fixée.
– Pour
que Monsieur se demande – et me demande – où j’ai
bien pu abandonner Madame seule sans équipage ?
Elle
soupire. Il a encore raison. Il va bien falloir, pourtant, trouver
une solution quelconque. Absolument… Renoncer à voir Gontran, elle
ne le pourra pas. C’est hors de question. C’est au-dessus de ses
forces.
– Je
pourrais peut-être…
– Dites…
– Faire
le tour, en vous attendant, de vos fournisseurs habituels. Votre
modiste. Votre chapelière. Votre cordonnier. On vous croirait, le
cas échéant, en train d’y faire vos emplettes.
Il
est décidément plein de ressources, ce cher Sylvain. Elle bat
intérieurement des mains, mais elle ne le montre pas. Elle fait la
moue.
– Je
n’ai pas le choix, n’importe comment.
Ils
ont fait l’amour. Deux fois. Trois fois. Si bien. Avec lui, elle
découvre. Elle se découvre. Tout devient possible. Tout devient
facile.
Elle
se presse contre lui.
– Je
ne veux pas te perdre…
– Il
y a pas de raison !
– Oh,
si, il y en a des raisons, si ! Il y en a plein. D’abord, j’ai
vingt-ans de plus que toi.
– Dix-sept !
– C’est
pareil.
– Mais
c’est pas important l’âge ! Qu’est-ce ça fait, l’âge ?
Et
il lui dévore les seins de tout un tas de petits baisers.
Elle
lui ébouriffe les cheveux.
– Tu
es fou…
Sylvain
l’aide à gravir le marchepied.
– Me
voyant stationné devant la boutique du mercier Divitis, Madame
Saintonge s’est étonnée de ne pas vous y avoir trouvée.
– Et
vous lui avez répondu ?
– Que
vous y étiez pourtant entrée. Que pouvais-je lui dire d’autre ?
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