jeudi 16 août 2018

Quinze ans après (19)


Je me suis garée le long du trottoir, devant le magasin, et j’ai attendu qu’elle sorte.
– Camille !
Son visage s’est éclairé.
– Ah, c’est vous !
– C’est moi, oui ! Monte ! Tu pourrais quand même me donner des nouvelles de temps en temps, non, tu crois pas ?
– C’est que…
– C’est que quoi ? C’est quand même pas bien compliqué d’appuyer sur les touches d’un portable. Si ?
– J’ose pas. Vous appeler, j’ose pas.
J’ai mis le moteur en marche.
– Et c’est moi qui suis obligée de me déplacer. Ah, ben bravo ! Bon, mais on réglera ça tout à l’heure. Raconte-moi plutôt… Comment ça se passe ?
– Bien.
– Mais encore ? Je vois… Va falloir que je te tire les vers du nez. Comme d’habitude. Alors dis-moi ! Tu t’es pris une fessée depuis la dernière fois ?
– Oh, plusieurs !
– Combien ?
– Deux… Non. Trois.
– Pourquoi t’as d’abord dit deux ? Il y en a une dont tu voulais pas parler ?
– Mais non !
– Bien sûr que si ! Laquelle ?
– Je sais pas. Je…
– Laquelle ?
– Celle que Perrine m’a donnée.
– Nous y voilà ! C’était quand ?
– Ce matin.
– Où ? Au magasin ?
– Non. Chez elle.
– Qu’est-ce tu faisais chez elle ?
– C’est là que j’habite maintenant. C’est elle qui me commande. Pour tout. Comment je m’habille. Ce que je mange. À quelle heure je me couche, tout ça…
– Ce qui te convient parfaitement, j’imagine.
– Oh, oui ! J’ai plus rien à décider. À me demander. C’est reposant. C’est rassurant.
– C’était pourquoi cette fessée ce matin ?
– Je sais pas.
– Comment ça, tu sais pas ?
– Non, je sais pas. J’ai fait quelque chose qui lui a pas plus, mais je vois pas quoi. Faut que je cherche et que je trouve, elle m’a dit.
– Sinon ?
– Elle a pas précisé, mais ce que je voudrais pas, c’est qu’elle me flanque dehors.
Je me suis arrêtée.
– Descends !
Je l’ai poussée sous une porte cochère.
– Fais voir ! Ta fessée… Fais-la voir !
Elle a jeté un rapide coup d’œil autour d’elle. Et elle m’ a obéi. Elle a descendu pantalon et culotte jusqu’à mi-fesses.
– Plus bas !
Jusqu’à mi-cuisses.
– Ah, oui, dis donc ! Ah, oui !
C’était d’un rouge intense. Sur toute la surface. Avec, par endroits, des plaques plus sombres. Noirâtres. Ou violacées. J’en ai suivi le pourtour. Du bout des doigts.
Il y a eu une course précipitée dans un escalier, à droite.
D’instinct, elle a voulu tout remonter. Je l’en ai empêchée.
– Non !
Elle s’est arrêtée net. Le pas, dans l’escalier, aussi.
J’ai poursuivi, un bon moment encore, l’exploration de son derrière endolori.
– C’est bon. Tu peux te reculotter.
Ce qu’elle s’est empressée de faire.
– Tu vas lui dire à Perrine ?
– Oh, ben oui ! Oui. Je lui dis tout.
– Ce qui va te valoir une autre fessée.
– Oh, ben ça, sûrement, oui.

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