Dessin
de Jim Black
Je
ne me l’étais jamais fait en vrai. Enfin, si ! Un peu.
Quelques claques, comme ça, pas trop fort, sur les fesses. En
surface. Pour avoir le goût. Pour que ça me chauffe un peu. Que ça
me mette dans l’ambiance. Pour qu’elles aient davantage de piment
mes images. Que mes caresses surgissent sur un terrain complice. Ça
me suffisait. Ça me comblait. Je ne ressentais pas vraiment le
besoin d’autre chose. Seulement il y a eu Cordelia. Maintenant il y
a Cordelia. Tous les jours, ou presque, on se donne du plaisir dans
notre petit réduit. Et tous les jours, en me le faisant là-bas
devant elle, mes yeux dans les siens, j’imagine qu’elle me
fouette. Elle se montre impitoyable. Sourde à mes plaintes comme à
mes supplications. Elle cingle comme une perdue. Et elle me laisse
pantelante, ravagée, mais tellement heureuse.
À
cinq heures, je ne la quitte pas vraiment. Je la ramène chez moi.
Avec moi. Et je me déshabille pour elle devant le grand miroir de la
salle de bains. Elle me prend sous son regard, m’oblige à baisser
les yeux, me soulève le menton du bout du doigt. « T’as pas
eu ton compte, hein ? » Non, je l’ai pas eu, non. « Eh
bien, tu vas l’avoir. Et je peux te dire que tu vas t’en
souvenir. » Oh, pour ça, oui ! Parce qu’elle tape.
Parce que je tape. Parce qu’on tape. Au martinet. Ou au paddle. Ou
à la cravache. Je tape. Et je ne me ménage pas. Je suis
intraitable. Je n’arrête que lorsque son plaisir a enfin surgi. Et
le mien.
Je
ne m’en tiens pas là. Après, dans mon lit, les fesses meurtries,
incandescentes, je fais revenir mes images. Je reprends mes
histoires. Qui n’en sont que plus exaltantes. C’est dans ma peau
qu’elles sont inscrites. C’est du feu inextinguible qui m’élance
qu’elles naissent et renaissent indéfiniment. Je les vis. Je les
vis vraiment. Je suis en elles. Je les habite. Je suis elles. Et
elles me procurent un bonheur comme jamais. Ineffable.
Vingt
fois j’ai failli tout lui dire à Cordelia. Vingt fois je suis
restée au bord de la confidence. Quelque chose me retient. La peur
qu’elle me rie au nez ? Non. Pas ça, non. N’importe
comment, elle m’a percée à jour. Depuis un bon moment déjà.
J’en suis sûre. Elle sait. Et elle sait que je finirai
forcément
par passer aux aveux. J’ai trop envie que ce soit pour de vrai
qu’elle me corrige. Elle. Alors j’attends quoi ? Je redoute
quoi ? Moi ! Parce que je sais qu’alors je n’aurai plus
la moindre limite. Que je serai prise de vertige.
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