jeudi 9 août 2018

Quinze ans après (18)



Coxan avait passé la soirée avec Eugénie.
– Et ?
– Et c’était pas du tout ce à quoi je m’attendais, eu égard à sa prestation de la dernière fois. Elle a carrément rétropédalé. Pour la décider à accepter un rendez-vous, ça a carrément été la croix et la bannière. Elle avait tout un tas de scrupules par rapport à toi, la pauvre chérie !
– Tu m’en diras tant !
– Il a fallu que j’insiste encore et encore. Parce que c’était en tout bien tout honneur qu’on allait se rencontrer, oui, bien sûr, mais quand même ! Tu risquais de mal le prendre si tu l’apprenais. J’avais beau me mettre en quatre pour la rassurer… Mais tu le saurais pas ! Tu saurais rien. Comment tu pourrais le savoir ? Elle n’était, malgré tout, pas vraiment convaincue. Je croyais ? Mais évidemment ! Évidemment !
– Elle a dû prendre un pied possible à se faire supplier comme ça !
– C’est clair…
– Et alors ?
– Et alors elle a fini par rendre les armes. Et par accepter, bon gré mal gré, de dîner avec moi.
– Quelle comédienne !
– Ah, ça, tu l’as dit !
– Et, c’est là, une fois sur place, qu’elle t’a sorti le grand jeu.
– Oh, non, non ! Elle est beaucoup plus subtile que ça. Elle m’a fait ça en mode drague larvée. Maquillage feutré. Tenue sexy sage. Sourire discrètement enjôleur. Et elle a parlé de toi. Dans des termes, mais des termes… Que tu es une fille d’exception. Une amie sur qui elle peut vraiment compter. Que j’ai tout intérêt à te garder parce que des comme toi, j’en trouverai pas deux. Et tralali et tralala…
– Le truc classique, quoi ! Tu rassures le mec sur tes intentions. Comme ça, après, tu peux avancer tes billes. Il se méfie plus.
– C’était à peu près ça, oui. Parce qu’au dessert, elle est entrée en confidences. Elle était pas toute rose sa vie. Vivre toute seule, c’était pas drôle tous les jours. Ah non, alors ! Personne à qui parler. Jamais. À part les murs. Au boulot ? Oui, ben alors là ! Au boulot, à part les mecs et les fringues, elles avaient aucun sujet de conversation, les filles. C’était pourtant pas compliqué ce qu’elle demandait. Juste quelqu’un avec qui parler une heure ou deux, comme ça, de temps en temps.
– Et, bien sûr, tu t’es proposé.
– Tu es très perspicace.
– Ce qu’elle a accepté avec enthousiasme.
– Pas avec enthousiasme, non. Du bout des lèvres au contraire. Elle voulait pas me déranger. Que je me croie obligé. Ça faisait des mois que ça durait. Alors un peu plus, un peu moins…
– Et, au final, vous avez décidé de vous revoir.
– Samedi prochain.
– Tant et si bien que, samedi prochain, tu la passes à la casserole.
– Peut-être. Et puis peut-être pas. Tout va dépendre…
– Tu crois qu’elle va encore… Oui, t’as sûrement raison. Parce que, d’un côté, elle crève d’envie de me faire cocue, mais, de l’autre, ça la démange de faire durer tant et plus. Mais on peut bien tourner les choses dans tous les sens qu’on veut, on sait bien, de toute façon, comment, à l’arrivée, ça va finir. Et ce sera pain bénit pour toi tout ça. Parce que tu vas jouer sur les deux tableaux. Tu vas la mettre dans ton lit. Et, dans la foulée, tu vas profiter de la fessée que je lui flanquerai pour avoir jeté son dévolu sur toi.
– Elle aussi, si tu vas par là, elle joue sur les deux tableaux.
– Et même les trois… Parce que qu’est-ce tu paries que d’ici samedi elle aura voulu me voir ? Histoire de mouiller sa petite culotte en se disant, tout en parlant de toi avec moi, que je suis au courant de rien.
Mon portable a sonné.
– Qu’est-ce que je disais ! C’est elle…

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