samedi 11 août 2018

Les fantasmes de Lucie (12)




J’ai été la maîtresse de François Ier. Pas bien longtemps. Deux ans, mais je l’ai été. Et j’en garde un souvenir émerveillé. Comment pourrait-il en être autrement ? Ce n’était que fêtes perpétuelles, bals, parties de campagne. Le roi me comblait de cadeaux et de caresses. J’étais l’objet de toutes les attentions, de toutes les sollicitudes. La cour était à mes pieds.
Seulement les hommes sont les hommes. Leur désir finit par s’étioler, puis par s’éteindre tout-à-fait. Et Sa Majesté m’a remplacée, un beau jour de juin, par une plus jeune, par une plus jolie. Ou prétendue telle.

J’ai dû reprendre le chemin de ma province natale. Où m’attendait mon mari. De pied ferme. Il avait vu d’un très mauvais œil une liaison à laquelle il lui avait été impossible de s’opposer frontalement. Va-t-on contre la volonté du roi ? Une volonté à laquelle j’avais été, de mon côté, bien malgré moi contrainte de me soumettre. Il était convaincu du contraire, persuadé que c’était de propos délibéré que j’avais séduit Sa Majesté. À force de coquetteries et de minauderies diverses. Et il était bien déterminé à me faire payer, dès que le vent tournerait, ma trahison au prix fort. Je n’étais plus en grâce. J’étais désormais à sa merci.

C’est humble et repentante que je me présente devant lui à mon retour, bien décidée à tout faire pour l’apitoyer. Mais il se montre inflexible.
– Vous m’avez humilié, Madame ! Vous avez gravement porté atteinte à mon honneur. Cela ne saurait rester impuni.
Et il exige de moi que je me déshabille. Devant tous nos gens réunis. Valets. Femmes de chambre. Cochers. Servantes. Jardiniers. Cuisinières.
– Monsieur, je vous en supplie…
– Obéissez ! Obéissez ! Ou je vous jure que vous finirez votre vie au couvent…
Je finis par m’y résoudre, la mort dans l’âme.
– Et entièrement, Madame ! Entièrement !
Nue. Nue, comme au premier jour.
– N’avez-vous point de honte à vous dévêtir ainsi publiquement ?
– Mais…
– À vous comporter ainsi comme la dernière des catins.
– Monsieur…
– C’est là habitude prise à la cour sans doute… Mais ne comptez pas que je vous laisse importer impunément ici vos mœurs de débauchée. Vous allez d’ailleurs être châtiée d’importance pour vous en faire passer à tout jamais l’envie. Et voyez comme je sais être bon prince, moi aussi. Je vais vous laisser choisir vous-même, parmi vos gens, celui qui aura l’insigne honneur de vous fouetter. Eh bien ? Je vous écoute…
– Je ne saurais… Je…
– Alors on va vous donner le temps de la réflexion.
Et deux valets me lient les mains, me poussent devant eux, m’attachent solidement à une poignée de porte.
– Je vous souhaite une excellente journée, Madame…

Derrière moi, on passe. On repasse. Nos gens. Qui se penchent, les uns après les autres, à mon oreille. Victor. Mathurin. Barnabé.
– Je n’ai pas de conseil à donner à Madame, mais elle devrait me choisir… Je manie le fouet à la perfection.
– Si Madame veut que je lui apprenne à danser la gigue, qu’elle fasse appel à mes services.
– Si je puis me permettre, que Madame ne se décide pas trop promptement. C’est un régal pour les yeux que de la voir ainsi exposée nue et sans défense.
Mes femmes aussi. Hargneuses. Vindicatives. Insultantes.
– Tu t’es bien amusée, hein ! Eh bien maintenant…
– Je serais morte de honte, moi, à ta place.
– Ils se régalent de voir ton cul ! T’entendrais comment ils en parlent à l’office…
Ça passe. Ça repasse. C’est un défilé permanent.

Quand mon mari survient à son tour, la nuit est tombée. Depuis un long moment déjà.
– Alors ? Vous avez choisi, Madame ?
J’ai choisi, oui. Qu’on en finisse. Une bonne fois pour toutes.
– Mathurin.
Mathurin qui s’avance, la mine gourmande. Qui brandit le fouet qu’on lui tend. Tout le monde retient son souffle. Il l’abat. Avec force. C’est, en général, à ce moment-là, après quatre ou cinq coups, que mon plaisir surgit. Je le relance aussitôt. Il fouette fort. Il fouette longtemps. Il me comble.

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