J’ai
été la maîtresse de François Ier. Pas bien longtemps. Deux ans,
mais je l’ai été. Et j’en garde un souvenir émerveillé.
Comment pourrait-il en être autrement ? Ce n’était que fêtes
perpétuelles, bals, parties de campagne. Le roi me comblait de
cadeaux et de caresses. J’étais l’objet de toutes les
attentions, de toutes les sollicitudes. La cour était à mes pieds.
Seulement
les hommes sont les hommes. Leur désir finit par s’étioler, puis
par s’éteindre tout-à-fait. Et Sa Majesté m’a remplacée, un
beau jour de juin, par une plus jeune, par une plus jolie. Ou
prétendue telle.
J’ai
dû reprendre le chemin de ma province natale. Où m’attendait mon
mari. De pied ferme. Il avait vu d’un très mauvais œil une
liaison à laquelle il lui avait été impossible de s’opposer
frontalement. Va-t-on contre la volonté du roi ? Une volonté à
laquelle j’avais été, de mon côté, bien malgré moi contrainte
de me soumettre. Il était convaincu du contraire, persuadé que
c’était de propos délibéré que j’avais séduit Sa Majesté. À
force de coquetteries et de minauderies diverses. Et il était bien
déterminé à me faire payer, dès que le vent tournerait, ma
trahison au prix fort. Je n’étais plus en grâce. J’étais
désormais à sa merci.
C’est
humble et repentante que je me présente devant lui à mon retour,
bien décidée à tout faire pour l’apitoyer. Mais il se montre
inflexible.
– Vous
m’avez humilié, Madame ! Vous avez gravement porté atteinte
à mon honneur. Cela ne saurait rester impuni.
Et
il exige de moi que je me déshabille. Devant tous nos gens réunis.
Valets. Femmes de chambre. Cochers. Servantes. Jardiniers.
Cuisinières.
– Monsieur,
je vous en supplie…
– Obéissez !
Obéissez ! Ou je vous jure que vous finirez votre vie au
couvent…
Je
finis par m’y résoudre, la mort dans l’âme.
– Et
entièrement, Madame ! Entièrement !
Nue.
Nue, comme au premier jour.
– N’avez-vous
point de honte à vous dévêtir ainsi publiquement ?
– Mais…
– À
vous comporter ainsi comme la dernière des catins.
– Monsieur…
– C’est
là habitude prise à la cour sans doute… Mais ne comptez pas que
je vous laisse importer impunément ici vos mœurs de débauchée.
Vous allez d’ailleurs être châtiée d’importance pour vous en
faire passer à tout jamais l’envie. Et voyez comme je sais être
bon prince, moi aussi. Je vais vous laisser choisir vous-même, parmi
vos gens, celui qui aura l’insigne honneur de vous fouetter. Eh
bien ? Je vous écoute…
– Je
ne saurais… Je…
– Alors
on va vous donner le temps de la réflexion.
Et
deux valets me lient les mains, me poussent devant eux, m’attachent
solidement à une poignée de porte.
– Je
vous souhaite une excellente journée, Madame…
Derrière
moi, on passe. On repasse. Nos gens. Qui se penchent, les uns après
les autres, à mon oreille. Victor. Mathurin. Barnabé.
– Je
n’ai pas de conseil à donner à Madame, mais elle devrait me
choisir… Je manie le fouet à la perfection.
– Si
Madame veut que je lui apprenne à danser la gigue, qu’elle fasse
appel à mes services.
– Si
je puis me permettre, que Madame ne se décide pas trop promptement.
C’est un régal pour les yeux que de la voir ainsi exposée nue et
sans défense.
Mes
femmes aussi. Hargneuses. Vindicatives. Insultantes.
– Tu
t’es bien amusée, hein ! Eh bien maintenant…
– Je
serais morte de honte, moi, à ta place.
– Ils
se régalent de voir ton cul ! T’entendrais comment ils en
parlent à l’office…
Ça
passe. Ça repasse. C’est un défilé permanent.
Quand
mon mari survient à son tour, la nuit est tombée. Depuis un long
moment déjà.
– Alors ?
Vous avez choisi, Madame ?
J’ai
choisi, oui. Qu’on en finisse. Une bonne fois pour toutes.
– Mathurin.
Mathurin
qui s’avance, la mine gourmande. Qui brandit le fouet qu’on lui
tend. Tout le monde retient son souffle. Il l’abat. Avec force.
C’est, en général, à ce moment-là, après quatre ou cinq coups,
que mon plaisir surgit. Je le relance aussitôt. Il fouette fort. Il
fouette longtemps. Il me comble.
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