Tableau de Percy Tarrant
J’ai, pour la
centième fois, relu sa lettre. Un rendez-vous. Là-bas. C’était
de la folie. Non. Je ne pouvais pas. Parce que, si je me faisais
prendre, alors là ! L’institut était une chance qui nous
était offerte, à nous les jeunes délinquantes majeures, mais qu’on
enfreigne le règlement intérieur et on nous expédiait aussitôt
purger la peine à laquelle on avait été condamnées. Il n’y
avait pas d’exception. Il n’y avait jamais d’exception. Et un
an de prison… Non. Non. C’était un risque que je ne voulais pas,
que je ne pouvais pas prendre.
Je l’ai encore
relue, sa lettre. Je l’ai serrée contre mon cœur. Il était beau.
Si beau. Être dans ses bras. Contre lui. C’était trop tentant. Et
ça s’est décidé d’un coup. Tout seul. Tant pis. Je verrais
bien. J’avais trop envie. Et j’ai enjambé la fenêtre, le cœur
battant. Ne plus réfléchir maintenant. C’était trop tard. Juste
faire attention. À ne pas tomber. À ne pas faire de bruit. À ne
pas laisser de traces de pas, en bas, dans les plates-bandes.
Ça se passait bien.
Juste une dizaine de mètres, à découvert, jusqu’à la grille sur
laquelle j’ai posé la main, que j’ai entrouverte.
– Et tu vas
où comme ça ? On peut savoir ?
Une voix d’homme.
Je me suis arrêtée
net, tétanisée. Et j’ai cherché, du regard, autour de moi. Rien.
Personne.
– Hein ?
Tu vas où comme ça ?
Et sa tête est
apparue entre les troènes. Le jardinier. Qui les a contournés. Qui
s’est approché.
– Fais-toi
voir ! Tu es qui ? Tiens, tiens, la petite rouquine. Alors,
comme ça, on aurait des envies de liberté ? Viens avec moi !
– Non. Je me
suis trompée. Je ne voulais pas. Je rentre. Je retourne. Tout de
suite.
– J’ai
dit : viens avec moi ! À moins que tu ne préfères que je
te raccompagne chez madame la directrice et que je lui raconte où je
t’ai trouvée.
Non. Non. Évidemment
non. Et je l’ai suivi. Je n’avais pas le choix. Jusque chez lui.
Il a refermé la porte, m’a soulevé le menton. Du bout du doigt.
– Bien !
Et maintenant tu vas me dire…
– Quoi donc ?
– Où tu
voulais aller comme ça…
– Mais nulle
part.
– Et menteuse
en plus ! Bon, allez ! Chez madame la directrice…
– Oh, non !
S’il vous plaît, non ! Je vous en supplie !
– Alors tu me
dis où tu voulais aller.
– Voir
quelqu’un.
– Un petit
ami ?
J’ai fait signe
que oui. De la tête. Oui.
– Mais tu
sais que c’est pas bien du tout, ça ! Comment tu t’appelles ?
– Paloma.
– Et tu avais
été condamnée à quoi, Paloma ?
– Un an de
prison.
– Que tu vas
aller faire. Tu connais le règlement tout aussi bien que moi.
– Oh, non !
Pitié ! Pas la prison ! Pitié !
– Il fallait
y réfléchir avant. Allez, viens !
Il m’a agrippée
fermement par le bras.
– Viens !
J’ai résisté des
quatre fers.
– Pas la
prison ! Pas la prison ! Punissez-moi plutôt !
Ça m’est venu
comme ça ! Sans réfléchir. En désespoir de cause.
Il a relâché son
étreinte.
– Ça peut
être une solution en effet…
Son regard s’est
fait brillant.
– Une bonne
fessée… Cul nu. Pour te faire passer l’envie de recommencer. Une
fessée dont je peux t’assurer que tu vas te souvenir.
Une fessée !
Oh, non ! Pas une fessée ! Mais je n’ai rien dit. Je
n’ai pas protesté. Mieux valait mille fois mieux ça, même si ça
faisait mal, même si c’était profondément humiliant, que la
prison.
Il a tiré une
chaise, s’y est assis, s’est tapoté les genoux.
– Allez !
Viens là !
(à suivre)
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