lundi 10 septembre 2018

Héritage


Elle avait une idée, Alexandrine.
– Et une bonne ! Tu sais, le père Victor ?
– Celui chez qui tu fais le ménage ? Qu’est riche à millions ?
– Lui-même.
– Eh bien ?
– Eh bien, il a pas d’héritier.
– Toi, je te vois venir…
– Et il a un petit péché mignon, le père Victor.
– Qui est ?
– La fessée…
– Carrément.
– Il a tout un tas de trucs là-dessus. Des photos. Des dessins. Bien planqués. Enfin à ce qu’il croit. Parce que t’as vraiment pas bien de mal à les dénicher. Et alors ce que j’ai pensé, c’est que tu pourrais peut-être venir m’aider à faire le ménage chez lui. Tu casseras un truc. Je te punirai. On recommencera. Ça le rendra fou. Et, avant trois mois, on est héritières.
– Tu crois ?
– Je suis sûre. Et vu l’âge qu’il a, on aura tôt fait de toucher le pactole.

J’y suis allée de bon cœur. Je l’ai lancé de toute ma hauteur, cette horreur de vase. Il a éclaté en tout un tas de petits morceaux qui sont allés s’éparpiller aux quatre coins de la pièce. Et jusque sous le buffet.
– Ah, ben bravo ! Bravo !
– Je l’ai pas fait exprès.
– Encore heureux ! Manquerait plus que ça ! Tu pourrais t’excuser au moins…
– Je suis désolée, Monsieur Victor…
– C’est malheureux ! J’y tenais, moi, à ce vase. C’est un vase que…
– Elle en fera jamais d’autres. Oh, mais je vais t’apprendre à faire attention, moi, ma petite, tu vas voir ! Une bonne fessée, c’est encore ce qu’il y a de plus efficace.
– Oh, non ! Pas la fessée !
– Si ! Et comment !
Et elle m’a empoignée.
– Pas devant lui, Alexandrine ! S’il te plaît, pas devant lui, je t’en supplie !
Elle n’a rien écouté. Je me suis débattue tant que j’ai pu. Fait semblant. Pour finir, je me suis retrouvée les fesses pointant en l’air. Avec elle qui tapait allègrement dessus. Ah, elle y allait de bon cœur, la garce ! Lui, il en perdait pas une miette, les yeux exorbités. Chaque fois qu’elle ralentissait la cadence, qu’elle faisait mine de s’interrompre, il exigeait…
– Encore ! Encore ! Et ça repartait de plus belle.
Ça s’est enfin arrêté.
Il a constaté, la mine ravie.
– Comment elle l’a rouge !
Lui, c’était la figure qu’il avait toute rouge. Et il transpirait à grosses gouttes.
Il a hoché la tête.
– N’empêche que ça me rendra pas mon vase, tout ça ! Un vase que mon fils m’avait ramené tout exprès du Viet-Nam. Qu’est-ce que je vais lui dire, moi, maintenant ?
– Un fils ? Vous avez un fils ?
– Deux même. Et une fille. Vous savez bien. Vous l’avez vue l’autre jour.

– Tu t’es bien fichue de moi !
– Je savais pas… Je croyais… Je l’avais oubliée, sa fille.
– Prends-moi bien pour une imbécile ! En plus !
– J’avais trop envie.
– C’est pas une raison !
– T’as apprécié. Ça se voyait que t’appréciais.
– Pas du tout, non.
– Menteuse !
– Un petit peu. Juste un petit peu.
– Tu m’en veux ?
– Oui. Beaucoup. Non, en fait. Pas tellement. Presque pas.

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