jeudi 31 octobre 2019

Fessées punitives (27)


J’ai longuement hésité. Et puis j’ai fini par appeler Émilie.
– Faut que je te demande un truc…
– Je t’écoute.
– C’est rapport à Étienne. Parce que l’autre jour, pendant la fessée de Bérengère…
– Tu l’as pas quitté des yeux. Je sais, oui. J’ai vu. Ce qui peut se comprendre. Parce que c’est Étienne qui sera amené à te fesser si jamais tu récidives. Alors que tu sois tout particulièrement attentive à lui, à ses réactions, dans ce genre de situation, ça me paraît complètement normal. Tu crois que je l’ai pas eu dans le collimateur, moi, Clément, pendant ce temps-là ? Puisque c’est à lui que j’aurai affaire si je dysfonctionne encore. Même si je me suis certainement montrée beaucoup moins insistante que toi. Et s’il ne s’est rendu compte de rien, tout occupé qu’il était à regarder sa dulcinée gigoter sous les claquées de Valentin.
– Il t’a rien dit, Étienne ?
– À propos ? De ton attitude ? Rien. Pas un mot. Mais peut-être que ça ressortira un jour ou l’autre. Avec lui on peut pas savoir. On peut jamais savoir. Non, la seule dont il ait été question, c’est Bérengère. Mais c’est elle qui était sous le feu des projecteurs après tout.
– Tu crois, toi aussi ?
– Que ?
– Océane, elle pense que ça lui était pas si désagréable que ça, tout compte fait, de la recevoir, la fessée. Et qu’on la voie la recevoir.
Elle a marqué un long temps d’arrêt.
– Tu sais, après, juste après, quand ça a été terminé, qu’on est tous restés à discuter dehors…
– Oui. Eh bien ?
– J’ai voulu aller aux toilettes. C’était occupé. Par Bérengère justement. Et, de là-dedans, me sont parvenus des gémissements étouffés qui ne laissaient planer aucun doute sur la nature de l’activité à laquelle elle était en train de se livrer.
– Ah, ben d’accord !
– Comme tu dis…
– Elle s’est rendu compte ? Que t’étais là ? Elle s’en est aperçue ?
– Pas sur le moment, non. Je me suis discrètement éclipsée. Et puis, après réflexion, j’ai décidé de lui en parler. Ce que j’ai pas regretté finalement, parce que ça nous a permis de nous dire plein de choses toutes les deux. Des choses que ça te soulage et te rassure de te dire que tu n’es pas toute seule à les éprouver. Parce que je sais pas toi, mais moi, c’est très compliqué ce que je ressens quand je la reçois, la fessée. Et très ambigu. D’un côté, je trouve ça incroyablement mortifiant d’être déculottée et corrigée comme une gamine. Mais c’est aussi ce qui fait que c’est efficace. C’est ce qui me dissuade, la plupart du temps, de me laisser aller. Qui me pousse à me mettre sérieusement au travail quand j’aurais plutôt envie d’aller m’affaler devant une bonne série. Mais, en même temps, d’un autre côté, quand ça m’arrive, je ne peux pas m’empêcher d’éprouver, en arrière-fond, une certaine forme de plaisir. Bien sûr, il y a le fait que c’est une région particulièrement érogène par là. Ça compte. Ça ne peut pas ne pas compter. Mais il y a pas que ça. C’est pas ça, l’essentiel. Non, c’est quelque chose de beaucoup plus cérébral. En rapport étroit avec l’humiliation. Tu es profondément honteuse de ce qui t’arrive, mais en même temps, cette honte, elle a quelque chose d’incroyablement fascinant. Et de très agréable. Plus elle est forte, plus tu te sens délicieusement troublée. Plus tu te sens troublée et plus tu as honte de l’être. En spirale. À l’infini. Et tu vois, le paradoxe, c’est que ce plaisir, parce que tu en as honte justement, il participe à la punition. Il te la fait appréhender un peu plus encore. Et il contribue à t’inciter, au bout du compte, à rester dans les clous.
Elle a poussé un profond soupir.
– On est compliqués, nous, les humains, hein, finalement !
Il y a eu un long silence. Un très long silence.
– Je t’ai choquée ?
– Oh, non, non, pas du tout…
– Mais ça te fait te poser tout un tas de questions.
– Un peu, oui.

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