Dessin de Luc Lafnet
Elle ne s’était
pas encore décidée.
– Pour le
magasin de sapes, avenue Berlioz, là ! Enfin, si ! Si !
On ira. Mais pas tout de suite. Faut d’abord que je me fasse à
l’idée.
– Que tu t’y
fasses ou que tu la caresses longuement ? Et voluptueusement ?
Elle a ri.
– Peut-être
bien les deux.
Et soupiré.
– C’est pas
drôle, en fait. Parce que c’est sans arrêt que je me retrouve
dans de ces situations ! À croire que je les cherche.
– Ce qu’est
pas impossible.
– Non, parce
que tu sais pas ce qui m’est arrivé un jour ?
– Oh, là
là ! Je crains le pire.
J’étais au
marché, tranquille. Je me baladais entre les étals, le nez au vent,
quand il y a une marchande de fruits et légumes qui s’est mise à
hurler : « C’est elle ! C’est elle ! Elle
vient me narguer jusqu’ici, cette petite saloperie, en plus ! »
Elle s’est précipitée sur moi. Hein ? Mais qu’est-ce
qu’elle me voulait cette folle ? Elle m’a attrapée par le
bras, solidement maintenue. « Alors ? Il te plaît bien,
mon Baptiste, à ce qu’il paraît ? » « Mais pas
du tout ! Mais lâchez-moi enfin ! » Elle m’a lancé
une gifle, à toute volée. « Menteuse ! T’étais pas
avec lui hier dans la grange du Léonard peut-être ? Même
qu’on t’entendait miauler à des kilomètres ! » Une
autre gifle. « Oh, mais tu vas me payer ça, ma petite !
Tu vas me payer ça ! Il va s’en souvenir, ton cul ! »
Et elle m’a empoignée malgré mes véhémentes protestations,
courbée en avant, mis le derrière à l’air, là, devant tout le
monde, et elle a tapé. Avec un truc en cuir qui faisait un mal de
chien. Qui m’a fait hurler et battre tant et plus des jambes. Il y
avait tout un tas de monde autour à profiter du spectacle : les
autres marchandes qui rigolaient et qui l’encourageaient tout ce
qu’elles savaient. « Allez, vas-y, Émilienne ! Ces
petites traînées, il y a que ça que ça comprend. » Et puis
des clientes. De plus en plus de clientes au fur et à mesure que ça
durait. Ça faisait tout un cercle. Des hommes aussi. Tu sais comment
ils sont, ceux-là : ils n’en perdaient pas une miette. Et ils
se pourléchaient les babines de me voir comme ça, à poil, en train
de me faire corriger comme une gamine. Alors je peux te dire que,
quand elle m’a enfin lâchée : « Et remets-y le nez à
mon Baptiste pour voir ! », j’ai filé sans demander mon
reste. Sous les huées et les éclats de rire.
– Elle
t’avait prise pour une autre, en fait !
– Ah, ben
ça ! N’empêche qu’elle m’avait mis le derrière dans un
état ! Presque une semaine elles y sont restées les marques.
– Mais c’est
un fantasme ou ça s’est vraiment passé ?
Elle s’est blottie
contre moi.
– Je sais
pas. Je sais plus. Mais je dois être un peu folle quand même !
Parce que tu sais ce que je préfère ? C’est les fessées qui
sont pas justes. Que j’ai pas méritées. Et de loin.
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