jeudi 7 novembre 2019

Fessées punitives (28)


Océane avait quelque chose à m’annoncer.
– Tu sais pas l’idée qu’ils ont eue ?
– Non ? Quoi ?
– Ils veulent qu’on aille au restaurant tous ensemble. Tous les huit.
– Oh ben, pourquoi pas ?
– Tous ensemble, oui, mais à quatre tables différentes. Et éloignées les unes des autres. Ils veulent que chacune d’entre nous fasse plus ample connaissance avec celui qui est appelé à devenir son fesseur attitré.
– Ah ! Ce qui veut dire…
– Que tu vas déjeuner en tête-à-tête avec Étienne. Et moi avec ton mari. Pareil pour les deux autres. Clément avec Émilie. Et mon Valentin avec Bérengère.
Me défiler ? J’y ai songé. Mais il n’en était, à la réflexion, absolument pas question. Ç’aurait été faire preuve de faiblesse et lui donner un peu plus encore barre sur moi à Étienne. Alors non ! Non. J’allais l’affronter.

Et j’ai pris sur moi-même pour, d’emblée, dès qu’on a été assis l’un en face de l’autre, m’efforcer de mettre les choses au clair.
– Il faut que je vous dise tout de suite, pour qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous : vous n’aurez pas l’occasion de…
Ils me fouillaient ses yeux. Ils me transperçaient. Ils attendaient. Et je me suis littéralement liquéfiée. J’ai perdu complètement contenance.
– De… Il ne faut pas… N’allez pas imaginer…
Il m’a laissée m’enfoncer, imperturbable. Balbutier. Bafouiller lamentablement.
Et il a repris la main.
– Je n’aurai pas l’occasion de quoi ?
– Ben, de…
– Vous flanquer une bonne fessée ? Bien sûr que si !
J’ai perdu pied.
– Non ! Non ! Je vous assure. Je ne jouerai plus. À quoi que ce soit. J’en suis absolument certaine.
– Ce qui prouve, s’il en était besoin, qu’une sévère correction débouche, dans l’immense majorité des cas, sur des résultats extrêmement satisfaisants. Non ?
Je me suis agitée sur ma chaise.
– Non ?
– Si !
Du bout des lèvres.
– Bon ! Mais que vous soyez désormais guérie de ce vice, j’en suis ravi pour vous. Seulement, il y a tout le reste.
Le reste ? Quel reste ? Qu’est-ce qu’il voulait dire ?
J’ai désespérément cherché un hypothétique secours autour de moi. Là-bas, Julien était en conversation animée avec Océane. De l’autre côté, une Bérengère que Valentin semblait en train de sermonner, pleurait à petits coups, le nez dans son mouchoir. Quant à Clément et Émilie, ils étaient trop loin et masqués.
– Vous m’écoutez ?
– Pardon ! Oui.
– Parce que le vice du jeu, c’est une chose répréhensible, certes, mais il y a plus grave. Beaucoup plus grave. Vous voyez de quoi je veux parler, j’imagine ?
Non. Pas du tout. Et en même temps, si ! Je sentais qu’il y avait en moi quelque chose de terrifiant, dont j’avais toujours plus ou moins soupçonné la présence, dont je ne pouvais qu’avoir immensément honte, dont je devais me sentir profondément coupable, mais sur quoi j’étais totalement incapable de mettre un nom. Quelque chose qui sommeillait au plus profond de moi depuis toujours. Quelque chose que lui avait vu. Débusqué. C’était quoi ? Je tremblais de peur à l’idée de le savoir. J’ai pourtant levé sur lui un regard interrogateur.
Il a souri.
– C’est à vous de le découvrir. Et de me demander, le moment venu, de vous punir pour ça.

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