jeudi 21 novembre 2019

Fessées punitives (30)


Je suis allée la secouer.
– Océane !
Elle a grogné.
– Oui. Quoi ?
– Il est neuf heures. Et tu bosses aujourd’hui, non ?
– J’irai pas. J’ai pas envie. J’appellerai.
Elle s’est redressée, a bâillé à se décrocher la mâchoire.
– Je suis pas en état de toute façon. Non, mais comment j’ai la tête dans le cul !
Et elle a brusquement proclamé, d’un ton péremptoire.
– Mais j’étais pas saoule hier soir, hein, faut pas croire !
– Saoule, non ! Mais bien entamée, oui. Ce qui revient finalement au même. Tu vas y avoir droit, ce qu’il y a de sûr. Et Julien ne va pas te ménager.
– Je sais, oui !
– Ce que je comprends pas… T’aurais pu y échapper. Tu serais allée à l’hôtel, t’aurais tranquillement cuvé et on n’y aurait vu que du feu. Mais non ! Il a fallu que tu viennes te jeter en direct dans la gueule du loup.
– Me défiler ? Pour traîner ma culpabilité pendant des semaines et des semaines ? Ah, non, non ! C’est moi qui ai demandé, et ce sans la moindre ambiguïté, à être punie, dans mon propre intérêt, chaque fois que je repiquerais à l’alcool. C’est la seule chose qui soit réellement efficace avec moi. Une bonne fessée. Pas le moindre doute là-dessus. Alors si je veux arriver à finir par complètement en sortir…
Elle s’est perdue quelques instants dans ses pensées.
– Non. Et puis il y a pas que ça. Il y a pas que pour avoir bu qu’il va me punir, ce coup-ci, Julien. Il y a autre chose. De beaucoup plus grave. Sur quoi il m’a fait mettre le doigt. Il est redoutable, ton mari, quand il veut. Il sait appuyer là où ça fait mal. Et il te lâche pas. Jusqu’à ce que t’aies le nez dessus. Et dedans. Alors personne le saura, personne s’en doutera, peut-être même pas lui, mais, dans ma tête à moi, c’est pour quelque chose de complètement différent que je vais la recevoir, la fessée.
– Je voudrais pas être indiscrète, mais si ça peut te faire du bien d’en parler…
– Ce qui me sidère, ce qui me sidère complètement, c’est qu’on peut faire des trucs, systématiquement, obstinément, pendant des années et des années, sans même s’apercevoir qu’on les fait.
– Quels trucs ?
– Je supporte pas que les autres soient en couple en fait. Dès que j’en ai un dans les parages, je fais tout pour le détruire. Systématiquement. Je me rendais pas compte, mais si, oui. Maintenant que j’ai le nez dessus, c’est une évidence. Et je peux être très très retorse si je veux. C’est à la nana que je m’en prends. Jamais au mec. Ça me sauterait trop aux yeux sinon ce que je suis en train de faire. J’aurais trop ouvertement l’air de la petite salope briseuse de ménages. Alors non. Je fais amie-amie avec la femme. J’entre en confidences. Réelles ou inventées. Je la pousse à s’épancher à son tour. À me parler de son compagnon. Et je cherche la faille. Il y en a toujours une. Un défaut, une manie chez lui qui la hérisse. Je monte ça en épingle. J’en rajoute une couche. J’en débusque d’autres, des défauts. De toute sorte. Elle le défend. Mollement. Avec moins en moins de conviction. Peu à peu, au fil de nos échanges, il lui apparaît sous un jour radicalement différent, fort peu séduisant. Et elle s’interroge. Non, mais comment est-ce qu’elle a pu aller s’enticher d’un type pareil ? Qu’est-ce qu’elle a bien pu lui trouver ? Comment elle arrive à le supporter ? Plus rien de ce qu’il dit, plus rien de ce qu’il fait ne trouve grâce à ses yeux. La séparation est toute proche. Ce n’est plus qu’une question de semaines, voire de jours.
– Mais à toi, ça t’apporte quoi, ça, à toi ?
– Je me le suis aussi demandé. Toute la soirée d’hier. Et j’ai fini par trouver. C’est qu’un type avec une nana, il est pas disponible pour moi. Et ça, je supporte pas. Ce que je voudrais, au fond, c’est qu’ils soient tous célibataires, sans attaches, que je puisse puiser à ma guise dans le tas, si j’ai envie.
– Eh, ben dis donc !
– Je sais oui, c’est pas très joli, tout ça ! Et j’ai honte maintenant que je sais, que j’ai réalisé. Tu peux pas savoir comment j’ai honte…

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