Émilie voulait nous voir, Océane et moi.
– Non,
parce qu’ils se sont encore réunis à la maison, là, tous les
quatre, hier soir. Et il est sérieusement question qu’ils exigent
qu’avant de recevoir sa fessée, Bérengère serve d’abord
l’apéro à poil.
Océane
a écarquillé les yeux.
– Ah,
oui ! Carrément !
J’ai
haussé les épaules.
– Ce
serait encore une idée d’Étienne, ça, que ça m’étonnerait
même pas.
Émilie
m’a aussitôt reprise.
– Ah,
non, non ! Il y est pour rien sur ce coup-là. C’est son
Clément en personne qu’a suggéré ça.
– Eh
ben dis donc ! Et elle qui était persuadée que jamais il
n’accepterait que d’autres types la voient à poil !
– Oui,
mais ça, comme on disait l’autre jour, on les connaît jamais
vraiment, les mecs.
Ce
qu’elle pensait Océane, elle, c’était que de nous avoir vues la
recevoir toutes les trois, la fessée, ça lui avait sûrement fait
considérer les choses d’un autre œil.
– Et
peut-être même que ça lui a donné envie de rajouter un petit
plus.
Oui,
enfin, la question maintenant, c’était surtout de savoir comment
Bérengère allait réagir…
– Faudrait
la prévenir ! Et sans tarder. Qu’elle soit pas prise de
court.
Elle
ne pouvait pas, Océane.
– C’est
le coup de feu au magasin en ce moment. Et j’ai déjà pas mal
manqué la semaine dernière. Alors !
Émilie
non plus.
– Les
cours en ce moment, c’est vraiment pas de la tarte. Et si je perds
pied…
Il
ne me restait plus qu’à me dévouer.
– Mais
tu nous raconteras, hein !
Elle
m’a accueillie avec un grand sourire.
– Lucile !
Oh, ça me fait plaisir de te voir ! Quel bon vent t’amène ?
Bon
vent. Ce n’était pas vraiment le mot.
– Écoute,
Bérengère, faut que je te dis un truc. Pour la fessée que Valentin
doit te donner, là…
Elle
m’a coupé la parole.
– Je
sais, oui. Clément m’a dit.
Il
lui avait dit quoi ? Que…
– Oui,
ça ! Oh, il m’en veut, Clément. Énormément. Faut dire
aussi que je le comprends dans un sens. Parce que vu comment je l’ai
fait cocu ! J’étais complètement dans ma bulle. Il y avait
plus que ça qui comptait : m’envoyer en l’air. Encore et
encore. Et je l’ai fait passer pour un con. Je m’en rends bien
compte maintenant. Je l’ai humilié. Alors qu’il veuille me
rendre la pareille, je peux pas lui en vouloir. Peut-être, sûrement
même, que c’est le seul moyen qu’il ait pour arriver à passer
l’éponge et à me pardonner. Alors si c’est le prix à payer…
Parce que je ne veux qu’une chose, moi maintenant, je n’aspire
qu’à une chose, c’est que tout soit oublié, c’est que tout
soit à nouveau comme avant entre nous. Comme s’il n’y avait
jamais rien eu.
Elle
a soupiré.
– Tu
comprends ? Je sais pas. C’est pas facile à expliquer. En
tout cas, ce qu’il y a de sûr, c’est que ça va pas être une
partie de plaisir pour moi. Je vais sacrément morfler. Rien que d’y
penser…
Océane,
à qui je suis allée, en sortant, rendre aussitôt compte de notre
conversation, a haussé les épaules.
– Oui,
oh, alors ça, que ce ne soit pas une partie de plaisir pour elle,
moi, je n’en suis pas si sûre. Enfin si ! Si !
Évidemment ! Et on aurait l’air d’en douter qu’on la
mettrait en fureur. Mais moi, je suis bien persuadée que ce n’est
pas si simple et que, même si elle ne l’avouerait et ne se
l’avouerait pour rien au monde, tout au fond d’elle-même être
humiliée ne lui déplaît pas tant que ça.
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