jeudi 5 juillet 2018

Quinze ans après (13)


Coxan était estomaqué.
– Comment tu m’as bluffé, là, avec cette madame Gonsalier. Tu l’as sortie d’où ?
– D’Internet. J’ai fouillé, j’ai fouiné. Et puis voilà…
– T’obtiens tout ce que tu veux, toi, en fait. Et tu manques vraiment pas d’imagination.
– Disons que je me défends.
– Faudra pas en oublier pour autant notre idée de départ.
– Non. Bien sûr que non. Ça viendra. À son heure. Tu l’auras ton film. Laisse-moi faire. Pour le moment, c’est d’Andrea qu’il s’agit de s’occuper.

Andrea qui avait d’abord voulu voir, avant de le rencontrer en ma compagnie, des photos de Coxan.
– Il fait rassurant. Et puis, ce qui ne gâte rien, il est beau mec. En plus !
Qui avait aussi voulu l’approcher, incognito, de plus près. Qui s’était rendue pour ce faire, sous un prétexte bidon, à la banque où il travaille.
– Ça me faisait drôle, mais drôle, tu peux pas savoir, de me dire que ce type, il m’avait entendue me prendre une fessée et qu’il savait pas que c’était moi !
– Bon ! Et alors ? Conclusion de ta petite enquête ?
– A priori je suis pas contre qu’il assiste…
– T’es pas contre ou t’en as envie ?
– J’en ai plutôt envie.

Et on s’est retrouvés, tous les trois, dans ce même restaurant gastronomique où on avait fait connaissance, lui et moi.
Il l’a tout de suite reconnue. Et menacée du doigt.
– Alors, comme ça, on est venue m’espionner ?
Elle a rougi, s’est troublée.
– Mais non, mais…
– Mais si ! Ça faisait vraiment téléphoné cette histoire de bons de caisse de votre grand-père. Bon, mais l’essentiel, c’est que j’aie passé l’examen avec succès. Ce qui semble être le cas.
Elle n’a pas répondu. On s’est assis.
– Bon. On va pas tourner dix mille ans autour du pot.
Et je leur ai tendu, à l’un comme à l’autre, une paire d’écouteurs.
– Mettez ça !
Et j’ai lancé l’enregistrement de la fessée d’Andrea.
Leurs regards se sont d’abord évités, puis furtivement croisés. De plus en plus souvent rencontrés. Finalement gardés.
Ça s’est achevé. J’ai relancé. Depuis le début. Leurs yeux ne se sont pas quittés. Jusqu’à la fin.
Ils ont retiré les écouteurs. Comme à regret.
Coxan a paru revenir de très loin.
– Je ne m’en lasse pas. C’est toujours aussi émouvant de t’écouter piauler. Avec le bruit des claques en arrière-fond. Et t’écouter en t’ayant là, en face de moi, en train de faire la même chose, c’est un véritable bonheur.
J’ai cru bon d’intervenir.
– Qu’est-ce que ce sera quand tu verras alors !
– D’autant que, d’après ce que tu m’as dit…
J’ai posé un doigt sur mes lèvres.
– Chuuut !
– Et il viendra quand, ce moment béni ?
– Quand Andrea voudra. C’est elle qui décide…
Elle nous a regardés, l’un après l’autre.
– Maintenant. Tout-à-l’heure. Quand on aura fini de manger.

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