jeudi 26 juillet 2018

Quinze ans après (16)


Andrea avait l’air un peu déçue.
– T’es toute seule ? Il est pas avec toi, Coxan.
– Ben, non, il est au boulot. Pourquoi ?
– Oh, comme ça. Pour rien.
– On le verra ce soir.
– Tu sais ce que je me demande ? C’est si la vidéo qu’on a faite, l’autre jour, il se la regarde.
– Ah, ben ça, forcément. Mets-toi à sa place !
– Il t’en a parlé ?
– Un peu.
– Il en dit quoi ?
– Que c’est un spectacle très émouvant. Dont on ne se lasse pas.
– Il aime quand je crie ?
– Il adore. Mais ce qu’il apprécie surtout, c’est ce que tu montres. Et comment tu le montres. Faut reconnaître que, de ce côté-là, tu as fait fort. Vraiment très très fort.
– Je sais, oui.
– Parce que tu la regardes, toi aussi, hein ?
– Quelquefois.
– Quelquefois ou souvent ?
– J’essaie de deviner ce qu’il pense, ce qu’il sent, ce qu’il se dit en me voyant.
– Ce que beaucoup d’hommes penseraient, sentiraient ou se diraient à sa place.
– Et justement. Des fois, j’imagine qu’il y en a d’autres qui regardent avec lui. Que ça les excite. Qu’ils font des tas de commentaires. Ça se pourrait, hein !
– Quoi donc ? Qu’il la montre ? Ah, non, non ! Il s’est engagé à ne pas le faire. Et, le connaissant, je suis absolument certaine qu’il tient sa promesse.
– Oui, mais bon… Ce serait pas un drame non plus. On voit pas ma tête. Juste mes cheveux. Qu’est-ce tu veux reconnaître quelqu’un à ses cheveux ?
– Oh, toi, je te vois venir. Ça te tente bien, hein ?
– Ben…

On est arrivées les premières. On s’est installées dans l’arrière-salle du café. Tout au fond. Il n’y avait presque personne. Juste un jeune type, pas très près, plongé dans ses cours, et puis, encore plus loin, deux filles lancées dans une conversation animée à voix basse. On s’est commandé un café et on a attendu. Un petit quart d’heure.
Il nous a superbement ignorées et il est allé s’asseoir en compagnie d’un petit brun frisé à l’air sympathique à la table juste en face de la nôtre. Ils ont parlé de choses et d’autres. Du match du PSG. Des travaux de la voie sur berge. Des frelons asiatiques.
Et puis le brun s’est impatienté.
– Bon, mais c’est pas tout ça. Tu montres ?
La main d’Andrea s’est crispée sur mon genou.
Coxan a sorti son smartphone, tendu des écouteurs au type, lancé la vidéo. Ils sont restés un long moment silencieux, les yeux rivés à l’écran. Et puis le type a constaté…
– Oh, la vache ! Qu’est-ce qu’elle se prend, la fille !
– Je te l’avais dit…
– Une sacrée dérouillée ! C’était quoi la raison ?
– Je sais pas. Elles ont jamais voulu me dire. Un truc entre elles. Peut-être une histoire de mec. C’est souvent ça avec les nanas.
– Comment elle braille ! Et puis alors… Oh, putain ! T’as de ces aperçus.
– Et t’as encore rien vu.
– Oh, putain ! Oh, putain ! Oh, putain !
Andrea m’a enfoncé ses ongles dans la cuisse.

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