samedi 14 juillet 2018

Les fantasmes de Lucie (8)

Louis Malteste


Il vient s’asseoir juste en face de moi. Un monsieur, la cinquantaine, bien de sa personne. Un cadre ou quelque chose comme ça, sûrement. Peut-être un directeur qui n’a pas du tout envie de commencer sa journée dans les embouteillages. Comme moi. Il s’absorbe dans la contemplation de sa tablette. Et moi, je plonge le nez dans mon cahier. Ce cahier-ci, confident de mes plaisirs. S’il savait ! S’il savait que la petite jeune femme qui lui fait face, à l’air bien sage, aux genoux chastement serrés, a des fantasmes plein la tête, qu’elle leur donne libre cours et qu’elle y prend un pied pas possible. S’il savait qu’elle est en train de les caresser du bout des yeux, de se délecter des mots qu’elle a mis dessus et que ça l’émoustille prodigieusement de faire ça, là, devant lui.

Dans le noir, nue sur mon lit, les yeux clos, je le fais revenir. Dans un train. Un autre train. Un train d’avant avec des compartiments. Et de moelleux appuie-tête. On est tous les deux. Que tous les deux. On ne se connaît pas. Il a déployé son journal et moi, j’ai ouvert mon cahier. Je me lis. Je me relis. Je me trouble. Ça se creuse entre mes cuisses. Ça perle. Ça m’inonde. Il faut. Tout de suite. Là. Maintenant. Je pose mon cahier sur la banquette, je jette mon châle par-dessus et je me précipite aux toilettes.

Quand j’en reviens, il est tranquillement en train de lire mon cahier. Il ne relève même pas la tête.
– Non, mais faut pas se gêner !
Il ne répond pas.
Je veux le lui reprendre. Il me repousse fermement, de la main, sans un mot et poursuit sa lecture. Complètement désarçonnée, je me rassieds dans mon coin et le regarde tourner les pages. Il a, de temps à autre, un petit hochement de tête ou un imperceptible sourire.
– Mouais !
Il me tend le cahier, me fixe dans les yeux. Je baisse aussitôt les miens.
– Mouais ! Et maintenant ?
Je m’agite sur mon siège. Quoi « et maintenant » ? Qu’est-ce qu’il veut dire « et maintenant » ?
– Parce que vous ne comptez pas vous en tirer comme ça, j’imagine ?
Si ! Non. Je ne sais pas.
– Ce ramassis d’horreurs qu’il y a là-dedans ! Vous n’avez pas honte ?
Et il parle. Il me sermonne. Je n’entends pas. Je n’écoute pas. Ça fait comme un coulis de reproches qui me parvient de très loin. Dont je ne saisis pas vraiment le sens. Je sais juste qu’il me gronde. Et que c’est tout à la fois humiliant et très agréable.
– Eh bien ? Qu’est-ce que vous attendez ?
– Hein ? Quoi ?
– Venez ici !
Je lui obéis. Je me lève. Je m’approche.
– Fermez le rideau !
Le rideau de la porte qui donne sur le couloir.
J’obéis encore.
Il me fait sèchement basculer sur ses genoux, me retrousse tout aussi sèchement ma robe, maintient fermement ma main qui essaie de la rabattre.
– Et elle a pas de culotte. En plus ! Ah, ben bravo ! Bravo !
Ses claques sont sèches, déterminées. À rythme lent. Une fesse après l’autre. Imperturbablement. Ça dure. C’est interminable. Ça dure. Ça me cuit. Ça me brûle. Mais c’est tellement bon…
Brusquement la porte s’ouvre.
– Contrôle des billets, Messieurs Dames, s’il vous plaît !

C’est toujours à ce moment-là que mon plaisir surgit…

4 commentaires:

  1. Aujourd’hui les trains sont beaucoup moins comfortables et spacieux. La seule façon d’être fessée, à mon avis, serait ployée sur le dossier d’un siège. Et pas sans peine!

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    1. Les trains de jadis présentaient effectivement bien des avantages et permettaient de préserver une certaine intimité, ce qui serait loin d'être le cas aujourd'hui.

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