lundi 16 juillet 2018

Entrez, facteur!


Dessin de Martin Van Maele

– Eh bien, facteur, faut pas se gêner !
– Mais j’ai frappé ! C’est vous qui…
– Qui t’ai dit d’entrer. Je sais, oui ! Ferme donc la porte, idiot ! Ça fait courant d’air. Et profite de l’occasion au lieu de discourir ! C’est pas tous les jours qu’on doit t’offrir, sur ta tournée, des spectacles comme celui-là. Si ?
– Oh, pour ça, non !
– Ah, tu vois ! Tu sais que t’es pas mal du tout de ta personne ? Ça change de celui qu’il y avait avant. Tu dois sacrément plaire aux filles, je suis sûre. Non ? Je me trompe ?
– On se défend.
– Et modeste avec ça ! Mais c’est que t’as toutes les qualités, toi ! Si, en plus, là-dessous, t’es monté comme un taureau, alors là ! Là ! C’est le cas ?
– Je…
– Non ! Non ! Dis rien ! Je préfère imaginer. N’empêche que tu sais que c’est tous les jours que je t’attends ? Que je te regarde, derrière mes volets clos, glisser le courrier dans ma boîte aux lettres ? Et d’ailleurs, tiens, tu veux un aveu ? Neuf fois sur dix, les lettres que je reçois, c’est moi qui me les suis envoyées. Pour avoir le plaisir de t’avoir là, à disposition, quelques instants, sous ma fenêtre. Et pour, après, laisser courir mes doigts, en pensant à toi, là où ils ont envie d’aller. C’est pour ça : je me suis bien juré que le jour où tu m’apporterais enfin un colis, je ferais en sorte que tu saches à quoi t’en tenir. C’est plus honnête, non, tu trouves pas ? Surtout que t’es le premier concerné. Et voilà qu’il est enfin arrivé, ce jour béni. Et que je suis dans tous mes états. Ça te choque pas trop au moins tout ça ? Si, hein ! Un peu quand même. J’m’en fous ! J’m’en fous complètement. Parce que si tu savais comment c’est excitant de le faire comme ça, là, devant toi. Depuis le temps que j’en rêvais ! Et tiens, faut que je te dise quelque chose. T’es le seul maintenant. Et ça, depuis des mois. Parce qu’avant il y en avait aussi d’autres. Le fils du boulanger. Celui du premier adjoint au maire. Mais ils me satisfaisaient pas autant que toi. Tant s’en faut. Alors je n’ai gardé que toi. Je te suis fidèle. Ça te fait plaisir au moins ? Oui ? On dirait pas. Tu manques sérieusement d’enthousiasme, mon garçon. Oh, mais je sais ce que tu penses. Que je suis une dépravée. Une perverse. Une vilaine cochonne lubrique qui mériterait une bonne fessée pour lui apprendre à se conduire d’une façon aussi éhontée. C’est pas vrai peut-être ?
– Ben…
– Oh, mais tu as raison. Tu as entièrement raison. Je me comporte là, avec toi, devant toi, d’une manière absolument scandaleuse. Je mérite d’être punie pour ça. Et c’est toi qui vas le faire. C’est toi qui vas me rendre ce menu service. Hein ? Tu veux bien ? Merci. T’es un amour. Attends ! Attends ! Laisse-moi me mettre en position. Là ! Voilà ! Bon, mais tu tapes, hein ! Tu fais pas semblant. Et même si je crie, même si je te demande d’arrêter, tu m’écoutes surtout pas. Au contraire. Tu tapes encore plus fort. Aussi fort que tu peux. Allez, vas-y, je suis prête. Fais-moi jouir !

2 commentaires:

  1. Ah oui. Carrément. Il n'est pas très loquace mais il est peut-être efficace (ça rime)

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  2. En douce qu'ils doivent sacrément en voir, les facteurs! Les factrices aussi. ;)

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