lundi 2 avril 2018

Un dimanche

Paul Signac. Un dimanche.


– Qu’y-a-t-il donc de si intéressant dans la rue, très chère ?
– Oh, rien, mon ami, rien ! Je regarde tomber la pluie.
– Ça vous passionne ?
– Non, ça me distrait.
En face, en contrebas, ils sont assis sur le lit. Un couple. Une quarantaine d’années. Peut-être un peu moins.
– Et si vous invitiez votre sœur le week-end prochain ? Vous pourriez bavarder un peu toutes les deux.
– Je ne sais pas. Nous verrons.
Là-bas, ils se parlent. Il lui prend les mains. Ils se regardent.
– Ça vous ferait le plus grand bien.
– Nous verrons, vous dis-je !
Il la couche en travers de ses genoux. Il lui parle encore. Il lui relève haut la robe. Elle ramène ses mains en arrière, sur ses fesses, pour se protéger.
– Vous m’écoutez ?
– Pardon ?
– Je vous demande si vous avez versé ses émoluments à la cuisinière.
– Bien sûr, mon ami, bien sûr !
La main de l’homme s’abat. La femme sursaute.
J’ai beaucoup de chance : ils n’ont pas tiré le rideau. Quand ils sont à l’hôtel, loin de chez eux, les gens font beaucoup moins attention à ce qui les entoure. À moins que ce ne soit délibéré et que, sciemment…
– Ce bois est tout juste sec. Quand je pense au prix qu’ils nous le vendent.
– Changez de fournisseur, mon ami.
Il tape. Il tape à toute volée. De grands coups. Qui tombent de très haut. La femme bat des jambes, se contorsionne en tous sens.
– Dumox est un ami. J’ai scrupule à lui faire des infidélités. Mais enfin s’il persiste dans la piètre qualité, je n’aurai pas le moindre état d’âme.
Elle doit gémir, sûrement ! Peut-être même crier.
Ça s’agite dans mon bas-ventre. Une chaleur. De délicieux picotements.
– Avez-vous entendu dire que nous allons changer de curé ?
– Vraiment ?
– Oui, il paraîtrait que l’abbé Volmare n’est pas en odeur de sainteté à l’évêché.
Elle se relève. Elle tourne le dos à la fenêtre. Ses fesses sont d’un rouge rutilant.
Ça perle humide entre mes cuisses.
En face, il tire le rideau.
Je laisse retomber le mien.
– Vous vous retirez, chère amie ?
– Oui, je vais m’allonger un peu. Ma migraine me reprend.

Seule. Les images sont encore là. Toutes neuves Toutes chaudes. Je vais être à moi. Je suis à moi.

2 commentaires:

  1. Très touchant. On se demande bien ce qu'elle va faire dans sa chambre...

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  2. On peut faire tant de choses dans une chambre!

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