samedi 7 avril 2018

Coaching

Dessin de Kal

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– C’est Eugénie Bardoin, une amie à moi, qui m’a conseillé de venir vous voir. Avec vous, d’après elle, on obtient des résultats spectaculaires.
– Alors, elle a dû vous dire également que mes méthodes sont, disons, percutantes. Ce qui en fait, d’ailleurs, toute l’efficacité.
– Elle m’a dit, oui.
– Bien. Les choses ont donc le mérite d’être claires. Alors, je vous écoute. Qu’est-ce qui vous amène ?
– Mais tout. Tout. Tout va de travers. J’ai pas de mec. Ils me larguent tous. Les uns après les autres. Si seulement je savais pourquoi. Au boulot, on m’évite. On me fuit comme la peste. Du coup, je compense. J’achète n’importe quoi. Des fringues que je mets plus trois jours après. Des babioles qui finissent le lendemain au grenier. Alors, forcément, je suis dans le rouge à la banque. Mais alors là, dans le rouge de chez rouge. Sans compter que je me ruine la santé à coup de friandises, de chocolat, de gâteaux et autres cochonneries.
– Vous buvez ?
– Non. Enfin si ! Un peu.
– Ça veut dire quoi un peu ?
– Certains soirs un peu trop et le lendemain pas du tout.
– Vous fumez ?
– Presque pas.
– Bon. Ben, il y a du travail. Alors première chose : interdiction absolue de jérémier sur votre sort au boulot. Pour quoi que ce soit. Et, tout particulièrement, vos désillusions amoureuses. C’est ce qui met tout le monde en fuite autour de vous. Ensuite vous allez m’arrêter complètement – j’ai bien dit : complètement ! – le tabac et l’alcool. C’est compris ? Bien. D’autre part, dès ce soir vous me scannerez vos relevés de compte. Vous me les scannerez désormais tous. Au fur à mesure qu’ils vous parviendront. Vous réglerez également désormais tous vos achats par carte bleue. J’en veux les tickets ainsi que les notes détaillées correspondantes. Que je puisse contrôler vos achats. Il va évidemment de soi que vous n’effectuerez plus désormais le moindre retrait en espèces. Est-ce bien clair ?
C’était clair, oui. C’était très clair.
– Alors rendez-vous dans un mois.

Elle a mis un temps fou à tout éplucher. Plus de deux heures. En silence. Deux heures pendant lesquelles je l’ai regardée faire, la peur au ventre.
– C’est mieux. Beaucoup mieux. Vous avez réduit vos dépenses de moitié. C’est un net progrès. Même s’il vous reste encore beaucoup à faire. Par contre, en ce qui concerne les sucreries, j’en trouve pour plus de quatre-vingts euros. C’est beaucoup trop. Je trouve par ailleurs pour cent cinquante euros d’achats extrêmement discutables. Et, à deux reprises, des retraits en espèces. De vingt euros chacun. Vous justifiez ça comment ?
Je me suis tortillée sur ma chaise.
– C’est le pain. La boulangerie. Le pain.
– On trouve du pain dans les grandes surfaces.
– Il est moins bon.
– Vous vous fichez de moi ? À quoi ont servi ces quarante euros. Je veux savoir.
– C’est parce que… de l’apéro. Et de la bière. J’en avais plus.
– Je vous l’avais interdit. Je vous l’avais pas interdit ?
– Ben si, mais…
– Venez ici !
– Ça peut pas…
– Quoi donc ?
– Attendre la prochaine fois… Si je recommence…
– Certainement pas, non ! Venez ici, j’ai dit !
J’obéis. Elle me tire par le bras, me fait basculer en travers de ses genoux, me déculotte sèchement. Et elle tape. Comment elle tape ! Elle avait raison Eugénie : elle tape tant qu’elle peut. Comment ça te chauffe ! Comment ça te brûle ! Et, surtout, comment t’as honte !
– S’il vous plaît ! S’il vous plaît ! Assez ! Je recommencerai pas. Je vous promets.
Elle n’écoute pas. Elle n’a pas pitié. Au contraire. Elle tape plus fort. De plus en plus fort. Je crie. Je supplie. Rien n’y fait.
– Là !
Elle s’arrête enfin.
– Vous pouvez vous reculotter. Pour la prochaine fois, je veux que les dépenses aient encore été réduites. Qu’il n’y ait ni achat de sucreries ni retrait en espèces. Sinon… Eh bien sinon vous pouvez considérer que notre petite séance d’aujourd’hui ne constituait qu’une simple mise en bouche. On passera aux choses sérieuses. C’est compris ?
C’était compris, oui.
– Alors, filez !

2 commentaires:

  1. Toujours délicieux ces dessins de Kal; mon préferé jusqu’à présent reste celui du miroir..

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  2. Impossible de ne pas reconnaître tout de suite la "patte" de kal qui a son style bien à lui. Dès que je les ai vus, ses dessins m'ont tout de suite parlé.

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