jeudi 5 avril 2018

Mémoires d'une fesseuse (31)

 Ça m’est tombé dessus d’un coup, comme ça, sans prévenir. L’amour fou. Ravageur. Pour Ophélie, une petite nouvelle, qui est venue, s’asseoir, un beau matin, à côté de moi, au tout début du cours de cambodgien. On s’est regardées et on a tout de suite su que, nous, ça ne ressemblerait à rien d’autre. On a fait l’amour le soir même. On a dormi enlacées. On s’est réveillées heureuses. Je n’avais plus envie que d’une chose : être avec elle. La voir. L’entendre. La toucher. L’aimer. Je suis restée dormir chez elle. De plus en plus souvent. J’y ai amené des affaires. De plus en plus d’affaires. Je me suis progressivement désinvestie de ma vie d’avant. De mes passions d’avant. Marie-Clémence et Ernesta n’ont pas vraiment posé de questions. Elles ont instinctivement senti que j’étais désormais ailleurs. Qu’il était inutile d’essayer de me retenir. De toute façon, elles vivaient, elles aussi, de leur côté, sur un petit nuage. Elles s’apprenaient. Elles se découvraient. Et passaient le plus clair de leur temps à écumer les cabines d’essayage, les piscines, les plages, bref, d’une manière générale, tous les lieux qui leur permettaient de se montrer peu ou prou. Quant aux fessées, même si elles restaient très évasives sur le sujet – après tout, désormais, cela ne me regardait plus – j’avais cru comprendre que, dans ce domaine, elles se rendaient mutuellement service et n’hésitaient pas à avoir parfois recours à des bonnes volontés extérieures.

Sans doute aurais-je pu rester en contact plus étroit avec elles, si Ophélie avait été à même de partager notre passion. Or, ce n’était absolument pas le cas. J’avais lancé quelques ballons d’essai. Elle avait réagi avec une extrême virulence. C’était un univers qui la révulsait profondément. J’étais amoureuse. Je ne voulais pas la perdre. Et j’ai définitivement tiré un trait sur Marie-Clémence, Ernesta et tout ce qui gravitait autour.

Avec Hélène, les choses s’avérèrent beaucoup plus compliquées. Non pas qu’elle se soit montrée particulièrement insistante ou vindicatives. Au contraire : elle faisait profil bas. Se montrait tristement résignée. Ce qui avait le don de me culpabiliser. Tant et si bien que je suis restée, près de trois mois, plus ou moins en contact avec elle. Derrière le dos d’Ophélie dont je redoutais qu’elle ne finisse, un jour ou l’autre, par l’apprendre. Et par se poser des questions auxquelles j’aurais été incapable d’apporter des réponses qui la satisfassent. J’ai donc fini par couper franchement les ponts avec Hélène. C’était préférable. Pour tout le monde.

Restait Philibert. Qui me prêtait une oreille attentive. Qui m’a écoutée chanter, des heures durant, les éloges d’Élodie. Vers lequel je continuais à systématiquement me tourner dès que j’avais besoin d’un conseil, d’un avis. Et qui m’a soutenue, à de bras, trois ans plus tard, quand Ophélie m’a brusquement laissée tomber. Pour une autre. Il m’a fallu de longs mois pour m’en remettre. Pour sortir enfin la tête de l’eau. Je me suis efforcée de renouer avec Hélène. Qui m’a clairement fait comprendre qu’elle ne le souhaitait pas.
– Qui me dit que dans un mois, dans six mois, dans un an, tu ne vas pas encore me jeter sans autre forme de procès ? N’importe comment ma vie est ailleurs maintenant.
– Ah, oui ? Où ça ?
– Ça ne te regarde pas. Ça ne te regarde plus.
Marie-Clémence – je l’ai appris de la bouche de sa mère, sollicitée – était au Canada.
– Pour au moins un an. Peut-être davantage. On ne sait pas.
Ce fut plus.
J’ai vivoté. Je me suis lancée à la recherche de partenaires de fessées. J’ai erré de désillusion en désillusion. Ce n’était pas ça. Ce n’était plus ça. Des années ont passé. Je suis retombée amoureuse ou, du moins, j’ai essayé de me le faire croire. Sans véritable conviction.
D’autres années ont passé. Que j’ai traversées avec toujours les mêmes envies sans pouvoir vraiment les assouvir. Ce n’était pas faute d’essayer pourtant. Mais les fessées qu’il m’arrivait parfois de donner n’étaient que la caricature de ce que j’avais jadis connu. De ce que j’aspirais à retrouver.
J’ai eu trente-cinq ans.
Et la solution est venue, une fois de plus, de mon bon ange Philibert.

FIN DE LA PREMIÊRE PARTIE

5 commentaires:

  1. Fin de la première partie, oui. Mais le premier chapitre de la "suite" sera mis en ligne sous le titre "Quinze ans après" dès jeudi prochain.

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  2. Je me suis toujours douté que le cambodgien était porte-malheur :(

    Mais attendons donc la suite; la chasseuse chassée chassera-t-elle á nouveau ? xD

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  3. D'anciens personnages, mais aussi de nouveaux avec des attentes différentes.

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  4. Ho la la je dois rattraper je dois rattraper.... J'ai trop de retard moi.

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  5. Prenez tout votre temps… Ils vont rester en ligne… ;)

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