jeudi 23 janvier 2014

La petite vendeuse (3)



Elle n’est pas intervenue tout de suite… Elle l’a d’abord laissée tourner la jeune femme, apprivoiser les lieux, empiler sur son bras un… deux… trois pantalons…
– On peut essayer ?
– Bien sûr ! C’est là, juste en face…
Elle n’a pas quitté la cabine des yeux et elle s’est décidée d’un coup… A fait glisser le rideau sur la tringle…
– Ça va comme vous voulez ? Oui… Oui… Pas mal…
Elle a passé un doigt entre le contrefort du pantalon et la peau…
– C’est pile poil votre taille en plus… Nickel… Tournez-vous ! Impeccable ! Ça vous dessine au plus juste… Quand on a des fesses comme les vôtres il faut qu’elles se voient…
Elle les a effleurées du revers de la main…
– Et le vert ? Vous l’avez essayé le vert ? Non ? Allez-y !
Elle le lui a tendu, l’a aidée à l’enfiler, à boutonner, s’est reculée…
– Ah oui ! Ah Oui ! Mais j’aimerais pas être à votre place… Parce que pour arriver à vous décider… Ils vous vont aussi bien l’un que l’autre…


– Et voilà ! Elle aussi elle a pris les deux… Vous avez vu ? C’est pas bien compliqué dans le fond… Le tout c’est de la sentir la cliente… De repérer très vite – tout de suite – comment elle fonctionne… De trouver la faille et de s’engouffrer dedans… Parce que tout le monde en a une de faille quelque part… Plus ou moins profonde… Plus ou moins béante… Plus ou moins bien dissimulée… Mais tout le monde en a une… Qu’est jamais la même pour personne… C’est pour ça qu’il y a pas de règle générale… C’est toujours au coup pour coup… Il y en a vous avez intérêt à surtout pas intervenir… à vous effacer le plus possible… C’est pas la majorité… La majorité faut y aller… Et savoir comment la jouer… Des fois c’est à la professionnelle consciencieuse et détachée… Des fois à la bonne copine complice… Des fois à la femme admirative et jalouse de la beauté d’une autre… D’autres fois encore… Tout dépend… Mais l’essentiel, toujours, c’est de prendre le dessus, l’ascendant… C’est jamais gagné d’avance… Mais quand vous y arrivez… vous en faites ce que vous voulez… tout ce que vous voulez…


– Pourquoi vous m’avez invitée au restaurant ? C’est pour me remercier de ce que votre chiffre d’affaires il s’emballe depuis que je suis arrivée, c’est ça ?
– Non… Non… Simplement pour le plaisir d’être un peu avec toi en dehors du contexte du magasin…
– C’est sympa… En tout cas c’est très bon… Vous faites quoi d’habitude le dimanche ? Vous allez au restaurant ?…
– Non… Rarement…
– C’est vrai que toute seule… Vous faites quoi alors ? Vous restez chez vous à vous emmerder devant la télé? Ça doit être gai…
– Oh, j’ai l’habitude… Et puis quand on voit défiler du monde toute la semaine…
– Mais c’est pas la même chose… Ça n’a rien à voir… Non… Que vous ayez jamais personne c’est un truc, ça, ça me dépasse…
– Pour trouver quelqu’un qui tienne la route aujourd’hui…
– Mais il s’agit pas de ça, attendez… Mais de s’éclater au moins… De prendre du bon temps… C’est comme ça qu’on trouve à force en plus… Parce qu’un jour il y en a un ça finit forcément par le faire…


– Si vous voulez vraiment y arriver, d’abord et avant tout, la première chose, c’est de vous emparer du rideau de la cabine d’essayage… De le tirer… tranquillement… naturellement… résolument… au moment que vous, vous avez choisi… Tout en vous – votre attitude, votre ton, vos gestes – doit proclamer que vous faites votre métier et rien que votre métier : vous vous mettez à la disposition de votre cliente… Un point c’est tout… En réalité, en tirant ce rideau, vous vous donnez surtout barre sur elle… et pas qu’un peu : parce que c’est vous qui avez délibérément pris l’initiative… parce que, par la force des choses, vous êtes un juge – ça lui va ou ça lui va pas ? – dont elle va devoir prendre l’avis en considération… et puis… et puis parce que quand on est à moitié dévêtu devant quelqu’un qui, lui, reste habillé on se sent forcément, intérieurement, en position d’infériorité… C’est vous qui menez le jeu… Vous n’avez plus qu’à pousser le plus loin possible votre avantage… Le plus efficace alors, chaque fois que vous sentez que vous le pouvez, c’est encore de la toucher… Vous avez tout un tas de prétextes pour ça pendant un essayage : ajuster, lisser, faire disparaître un pli… Vous la touchez… Vous vous l’appropriez… Elle est à votre merci…


Dès que je suis rentrée… Aussitôt… En me remémorant ses mots… En l’écoutant me faire la leçon… J’étais son élève… J’étais une gamine… J’ai cinglé… Les joues en feu… Les fesses en feu…

2 commentaires:

  1. bonjour, j'adore cette nouvelle série et j'attends avec impatience le moment où la petite vendeuse va prendre en main sa patronne

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  2. Bonjour…
    Merci d'apprécier…
    Cela ne saurait tarder: la petite vendeuse va effectivement prendre progressivement le pas sur sa patronne… Progressivement: l'emprise n'en sera que plus forte… Confidence pour confidence je prends beaucoup de plaisir à poursuivre cette histoire…

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