lundi 20 janvier 2014

Le Centre (53)



– T’en fais une tête ! Ça va pas ?
– Je suis dans une merde, mais une merde ! J’te dis même pas…
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Des problèmes de fric… Et des gros…
– Hein ? Mais je croyais…
– Qu’on était pleins aux as ? On l’était… On l’est plus…
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– C’est moi… J’ai fait des conneries…
– C’est-à-dire ?
– Le tiercé… Complètement accro j’y suis devenue à ça…
– Ah…
– J’ai tout bouffé… Toutes nos économies… On n’a plus rien… Enfin si ! Des dettes… Par-dessus la tête…
– Et il prend ça comment Victor ?
– Il est pas au courant Victor… Pas encore… Mais quand il va savoir ! Alors là quand il va savoir ! Rien que d’y penser ! Et ça devrait pas tarder… Parce qu’il a été très clair le banquier… « Ou vous régularisez, Madame Duprat… Avant jeudi… Ou bien alors… » Banque de France… Interdiction… Et tatati et tatata… Non… Faut que je gagne du temps… Faut absolument que je gagne du temps… Parce que dans quinze jours c’est le prix d’Amérique…
– Et alors ?
– Et alors là je suis sûre de mon coup… Des tuyaux de première main j’ai… Je vais me refaire… Un grand bol d’air… En attendant de me rétablir complètement… Non… La seule chose, faudrait pas que l’autre animal de banquier déclenche le cataclysme avant… Et ça… Ça, faut absolument que je réussisse à l’empêcher…

– Tu l’as vu ?
– Je l’ai vu, oui… Il a été odieux… Absolument odieux…
– Ah, ben ça, les banquiers…
– Il a rien voulu entendre… Mais alors là ce qui s’appelle rien… « Mais puisque je vous dis que c’est l’affaire de quelques jours, Monsieur Tiroin… » « Vous m’avez déjà si souvent amusé de belles promesses… » « Oui, mais cette fois-ci… » « Et on peut savoir d’où vont provenir ces fonds sur lesquels vous semblez tant compter ? » « C’est… Ça, c’est mon affaire… » « Le douze dans la troisième course ? C’est ça ? Nous habitons une petite ville, Madame Duprat, où tout se sait… Personne n’ignore où sont passés les millions que vous avez si allègrement dilapidés… À l’exception – notable – de votre mari qui préfère fermer obstinément les yeux sur vos fredaines… Vous vous comportez comme une gamine irresponsable, chère Madame… Et je regrette qu’il ne se soit pas trouvé quelqu’un pour vous remettre, quand c’était nécessaire, les pendules à l’heure… Une bonne fessée vous aurait fait le plus grand bien… » « Je ne vous permets pas… Mais je ne vous permets pas… » « Il n’est pas trop tard… Il n’est jamais trop tard… Vous voulez que je vous accorde un nouveau délai ? Soit ! En échange de quoi je vais vous infliger, à cul nu, cette correction que je rêve de vous administrer depuis fort longtemps et que vous avez – reconnaissez-le ! – amplement méritée… » « Non, mais ça va pas ? Vous n’êtes vraiment pas bien, hein ! » Et je me suis levée, furieuse… « Comme vous voudrez ! Mais ne vous étonnez pas si, dès demain matin, au courrier… » « Vous êtes un monstre… » Et j’ai claqué la porte…
– Tu crois qu’il va vraiment le faire ?
– Non… Non… Parce que je suis revenue sur mes pas…
– Ah…
– La mort dans l’âme… Mais j’avais pas le choix… C’était la seule solution… Si je voulais pas que… Et puis que Victor…
– Et alors ?
– Et alors… ben tu te doutes…
– Il t’en a vraiment mis une ? J’y crois pas !
– Ben si ! Si ! C’est un salaud ! Un véritable petit salaud… Oh, mais il me paiera ça ! Je peux t’assurer qu’il me le paiera…
– Comment ?
– Je sais pas… Oh, mais je trouverai… Je trouverai…
– Et déculottée il te l’a mise ?
– Avec une grande règle en bois… On dirait pas comme ça, mais en fait ça fait hyper mal ce truc…


– T’as pas pleuré au moins ? T’as pas crié ? Tu lui as pas fait ce plaisir ?
– Mais non !
– C’est vrai ? C’est sûr ? T’as pas l’air bien convaincue…
– Oh, mais t’en as pas marre de me poser toutes ces questions ? Tu m’emmerdes à la fin ! Tu m’emmerdes vraiment !

– Il a fait cinquième ton cheval…
– Je sais, oui…
– T’en as pris une pour rien alors finalement… C’était reculer pour mieux sauter… Tu vas quand même y être à la Banque de France…

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